Pour le sociologue, ce ne sont pas les immigrés qui
menacent la France, mais la xénophobie. Et la gauche devrait reprendre
la main dans un débat en pleine dérive.
Eric Fassin, sociologue (Paris VIII) et chercheur à l’Institut de
recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris), travaille
sur la politisation des questions sexuelles et raciales, et sur leurs
articulations autour de la politique d’immigration. Depuis 2007, cette
dernière est au cœur de son travail. Avec Michel Feher, leur collectif « Cette France-là » propose une contre-expertise en forme d’annales.Dans « Démocratie précaire, chronique de la déraison d’Etat » (éd. La Découverte), un recueil de ses textes publiés (ou non) depuis cinq ans, Eric Fassin retrace l’histoire de ce quinquennat comme celui d’une folie.
De façon remarquable, il ouvre les yeux du lecteur. Littéralement : après cette lecture, on ne porte plus le même regard sur la France des dernières années.
En déconstruisant les discours politiques, il nous dit : « Ce ne sont pas les immigrés qui nous menacent ; c’est la xénophobie. Bref, c’est l’histoire d’une folie ; j’essaie d’en rendre raison. »
Comment l’élection de Nicolas Sarkozy a-t-elle influencé votre travail ?
Depuis le début des années 90, je travaille sur les questions sexuelles et raciales, aux Etats-Unis comme en France. La problématique de l’immigration est longtemps restée pour moi hors champ. Mais dans les années 2000, les croisements entre les trois domaines se sont multipliés dans l’espace public, en particulier autour de la figure de Nicolas Sarkozy.
Or mon travail porte d’abord sur le débat public : les discours ne sont pas en dehors de la réalité sociale, car ils contribuent à la façonner. C’est d’ailleurs pourquoi ces représentations du monde social sont au cœur de la bataille politique.
Si j’ai commencé à écrire sur ces thèmes dès 2006 (voire dès 2003, avec le premier texte repris dans mon recueil), l’élection a précipité les choses.
D’ailleurs, le sentiment d’urgence n’était pas seulement personnel. En 2007, un collectif s’est constitué pour lancer une campagne d’affichage, en réponse à la campagne présidentielle. On y lisait l’histoire d’étrangers expulsés, avec leur photo. Une phrase barrait chaque affiche : « Cette France-là, vous l’aimez ? Vous pouvez la changer ! »
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