« En votant “non” au Pacte budgétaire lors du référendum prévu le 31
mai ou en élisant le 17 juin une majorité de gauche hostile au
"mémorandum", (...) les peuples irlandais et grec rendraient un immense
service à toute l’Europe. » Par Thomas Coutrot, David Flacher, Pierre Khalfa, Catherine Lebrun, Damien Millet et Michel Rousseau, membres du Collectif national d'audit citoyen de la dette publique.
Si vous refusez l’austérité, nous vous excluerons de l’euro. Tel est
le message que les dirigeants européens, de José Manuel Barroso («si un pays ne respecte pas les règles, mieux vaut qu'il parte»)
à Angela Merkel en passant par Mario Draghi, président de la Banque
centrale européenne et –dans quels termes méprisants!– Christine
Lagarde, directrice du FMI, adressent ouvertement depuis quelques jours
aux peuples irlandais et grecs qui vont voter respectivement le 31 mai
et le 17 juin prochains. Plus surprenant, le tout nouveau ministre
français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait récemment
lui aussi à destination de «nos amis grecs» qu’«on ne peut pas à la fois vouloir rester dans l'euro et ne faire aucun effort».
Peut-on sérieusement reprocher aux Grecs et aux Irlandais de ne
vouloir faire «aucun effort» alors qu’on sait les ravages provoqués par
la crise financière puis les politiques d’austérité dans ces pays? S’ils
refusaient ces politiques en votant «non» au Pacte budgétaire lors du
référendum prévu le 31 mai ou en élisant le 17 juin une majorité de
gauche hostile au «mémorandum», les peuples irlandais et grec ne
diraient aucunement non à l’euro. Leur vote affirmerait, tout au
contraire et avec une grande lucidité, que ce sont ces fameuses «règles»
de la zone euro qui ont mené à l’impasse actuelle et qu’il faut changer
de toute urgence. En exigeant une refonte de l’euro, les peuples
irlandais et grecs rendraient un immense service à toute l’Europe,
engluée dans l’obstination suicidaire de ses dirigeants.
Car quelles sont donc ces fameuses «règles» qu’il importerait de
respecter à tout prix pour rester dans l’euro? La liberté totale de
circulation des capitaux et la concurrence fiscale entre États
européens, qui ont asséché les recettes des États et gonflé les dettes
publiques, alors même que les dépenses publiques étaient contenues? La
dérégulation des marchés financiers, qui a abouti à la crise de
2007-2008 et à l’explosion des déficits? L’interdiction de financer les
déficits publics des États par la Banque centrale européenne et donc
l’obligation d’emprunter aux banques privées à des taux parfois
prohibitifs? Le plafonnement du budget européen à 1 % du PIB, qui
empêche des politiques fortes de solidarité et de convergence vers le
haut? L’obligation de réduire sans cesse les dépenses et les protections
sociales, notamment en termes de santé et de retraite, de flexibiliser
les marchés du travail, de précariser l’emploi, de mener ces fameuses
«réformes structurelles» censées rassurer les marchés? Le respect d’un
pacte budgétaire absurde qui obligerait à une politique d’austérité
permanente pour atteindre un équilibre budgétaire qui enlèverait toute
marge de manœuvre aux politiques publiques?
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