On estime qu’en 2011, 20 000 personnes se sont embarquées dans les
pirogues sénégalaises qui tentent de rejoindre la côte des Iles Canaries
espagnoles. On estime aussi qu’un quart d’entre elles ont péri au cours
du voyage. D’autres funestes chiffres existent pour le détroit de
Gibraltar, entre Maroc et Espagne, les alentours de l’île italienne de
Lampedusa, entre Sicile et Afrique du Nord... Chaque jour des hommes,
des femmes, des enfants meurent sur le chemin de l’Europe et ce ne sont
pas les plus pauvres parmi les habitants des pays d’émigration car le
voyage coûte cher.
Moussa Touré, un cinéaste sénégalais a entrepris de nous montrer la
réalité du voyage et des raisons qui le motivent. Il ne lui a pas fallu
moins de six producteurs, dont Arte France, pour boucler le budget...
Vous les avez peut-être vues à la télévision, ces grandes pirogues
colorées des pêcheurs de la côte Sénégalaise. Quand on les voit,
élégantes et alignées sur la plage, on n’imagine pas qu’elles peuvent
contenir 30 hommes, leurs bagages et les vivres pour un voyage de 7
jours. On imagine à peine combien elles sont fragiles face à l’océan.
« La pirogue », le film du Sénégalais Moussa Touré, nous apprend tout
cela et bien plus encore.
Goor Fitt, la pirogue du film, part d’un village de pêcheurs dans la
grande banlieue de Dakar. Dans la réalité, nombreuses sont les
embarcations qui partent de là pour les Iles Canaries en territoire
espagnol avec, trop souvent, la mort au bout du voyage.
Baye Laye, le héros, est pêcheur et connaît bien la mer. C’est
pourquoi le malfrat, qui organise ce coupable trafic du fond de son
élégant canapé, a décidé de le prendre pour capitaine. Baye Laye, père
d’un petit garçon, n’a pas envie de prendre ce risque, même s’il
rapporte plus que sa pêche, et sa jeune femme encore moins. Mais son
frère, un adolescent musicien et rêveur, s’inscrit pour le voyage et,
parce qu’il s’en sent responsable, Baye Laye décide de barrer la
pirogue.
Le film nous conduit tout au long du voyage avec la rigueur d’un
documentaire. A bord 30 hommes et une femme (passagère clandestine dont
le mari a disparu au cours d’un précédent voyage), des Peuls, des
Guinéens, des gens qui ne se connaissent pas, certains n’ont jamais vue
la mer. Un huis-clos s’installe, habité par l’angoisse qui étreint les
voyageurs, leurs différences et parfois leurs différends, leurs
solidarités. Ils mangent, ils chantent, ils dorment (quand ils
peuvent) : la caméra les veillent patiemment, sans voyeurisme, avec
élégance.
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