jeudi 1 novembre 2012

Goor Fitt, la pirogue des rêves

On estime qu’en 2011, 20 000 personnes se sont embarquées dans les pirogues sénégalaises qui tentent de rejoindre la côte des Iles Canaries espagnoles. On estime aussi qu’un quart d’entre elles ont péri au cours du voyage. D’autres funestes chiffres existent pour le détroit de Gibraltar, entre Maroc et Espagne, les alentours de l’île italienne de Lampedusa, entre Sicile et Afrique du Nord... Chaque jour des hommes, des femmes, des enfants meurent sur le chemin de l’Europe et ce ne sont pas les plus pauvres parmi les habitants des pays d’émigration car le voyage coûte cher. Moussa Touré, un cinéaste sénégalais a entrepris de nous montrer la réalité du voyage et des raisons qui le motivent. Il ne lui a pas fallu moins de six producteurs, dont Arte France, pour boucler le budget...
Vous les avez peut-être vues à la télévision, ces grandes pirogues colorées des pêcheurs de la côte Sénégalaise. Quand on les voit, élégantes et alignées sur la plage, on n’imagine pas qu’elles peuvent contenir 30 hommes, leurs bagages et les vivres pour un voyage de 7 jours. On imagine à peine combien elles sont fragiles face à l’océan. « La pirogue », le film du Sénégalais Moussa Touré, nous apprend tout cela et bien plus encore.
Goor Fitt, la pirogue du film, part d’un village de pêcheurs dans la grande banlieue de Dakar. Dans la réalité, nombreuses sont les embarcations qui partent de là pour les Iles Canaries en territoire espagnol avec, trop souvent, la mort au bout du voyage.
Baye Laye, le héros, est pêcheur et connaît bien la mer. C’est pourquoi le malfrat, qui organise ce coupable trafic du fond de son élégant canapé, a décidé de le prendre pour capitaine. Baye Laye, père d’un petit garçon, n’a pas envie de prendre ce risque, même s’il rapporte plus que sa pêche, et sa jeune femme encore moins. Mais son frère, un adolescent musicien et rêveur, s’inscrit pour le voyage et, parce qu’il s’en sent responsable, Baye Laye décide de barrer la pirogue.
Le film nous conduit tout au long du voyage avec la rigueur d’un documentaire. A bord 30 hommes et une femme (passagère clandestine dont le mari a disparu au cours d’un précédent voyage), des Peuls, des Guinéens, des gens qui ne se connaissent pas, certains n’ont jamais vue la mer. Un huis-clos s’installe, habité par l’angoisse qui étreint les voyageurs, leurs différences et parfois leurs différends, leurs solidarités. Ils mangent, ils chantent, ils dorment (quand ils peuvent) : la caméra les veillent patiemment, sans voyeurisme, avec élégance.
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