La douleur est toujours là. Josette Audin, 81 ans,
triture ses lunettes, s’interrompt, regarde au loin. Cinquante-cinq ans
après l’arrestation de Maurice Audin, jeune mathématicien communiste
arrêté par les parachutistes français pendant la bataille d’Alger, la
veuve poursuit sa quête de vérité. Les militaires ont prétendu que son
mari s’était "évadé". Il n’a plus jamais donné de nouvelles. À quelques
semaines du voyage de François Hollande en Algérie, la vieille dame
attend encore un geste du chef de l’État. Elle lui a écrit, le 6 août
dernier, demandant "que les historiens puissent avoir accès à toutes les
archives de toutes les personnalités civiles et militaires françaises
en charge du 'maintien de l’ordre' en Algérie". Un dernier espoir pour
élucider « l’assassinat » de son époux, devenu une figure emblématique
des tortures pendant la guerre d’Algérie.
Le 11
juin 1957, se souvient la veuve, "nous étions couchés, il était environ
23 heures quand on a tambouriné à la porte. Ils venaient arrêter mon
mari. Il a eu le temps de me dire : 'Occupe-toi des enfants !''. Maurice
Audin, partisan de l’indépendance algérienne, a été torturé. Henri
Alleg, arrêté lui aussi, le décrit le "visage blême et hagard" dans son
livre-témoignage La Question. Un autre l’a vu, en slip, attaché
sur une planche avec "des pinces reliées par des fils électriques à la
magnéto, fixées à l’oreille droite et au pied gauche". Josette Audin
sait cela. Mais sa lettre évoque aussi les autres Algériens, disparus
anonymes de la bataille d’Alger. Elle exhorte donc François Hollande :
"Comme le président de la République Jacques Chirac l’a fait pour
condamner la rafle du Vél’ d’Hiv, j’espère que vous ferez aussi, au nom
de la France, non pas des excuses pour des actes qui ne sont pas
excusables, mais au moins une condamnation ferme de la torture et des
exécutions sommaires commises par la France pendant la guerre
d’Algérie."
Nicolas Sarkozy n’a jamais réponduLe comité Audin, emmené notamment par l’historien Pierre Vidal-Naquet, a montré que l’évasion était impossible. Josette Audin a déposé plainte contre X pour homicide dès juillet 1957. Premier non-lieu en 1962, après le décret d’amnistie. La veuve dépose une autre plainte en 2001 pour séquestration et crime contre l’humanité.
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