Par
François Ruffin
« Oligarchie », le mot revient à la mode. Voilà vingt ans, pourtant,
qu’elle a pris ses aises. À Megève comme ailleurs, « dans les années
90 ». De quoi en faire une rapide histoire, au doigt mouillé.
Avant d’écrire ce papier, je réécoute les bandes.
Je transcris des passages.
Je m’arrête sur une phrase de Philippe Charriol : « Dans les années 90, nous avons participé au renouveau de Megève avec le polo, les calèches, les sculptures… »
Ça me fait tilt.
La petite histoire, discrètement, rencontre ici la grande.
Deux livres viennent de paraître, dernièrement : Le Président des riches,
sous-titré « Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas
Sarkozy », de Michel et Monique Pinçon-Charlot (La Découverte). Et L’Oligarchie ça suffit, vive la démocratie,
de Hervé Kempf (Seuil). Je les ai lus dans la même semaine, et la
présence de ce mot, « Oligarchie », sur les deux couvertures, m’a
intrigué.
J’ai appelé la sociologue Monique Pinçon-Charlot :
« C’est la première fois que vous parlez d’oligarchie ?
-C’est vrai, jusqu’ici on ne l’utilisait pas tellement.
D’habitude, on disait “haute bourgeoisie”, “classe dominante”, “beaux
quartiers”, en variant pour ne pas trop se répéter. Ce qui se passe, en
ce moment, c’est la rencontre heureuse entre un vocabulaire marxiste et
l’intuition des citoyens. Les gens se sentent violentés, et comme chez
un thérapeute, on vient mettre ça en mots.
-Mais y a une différence entre “haute bourgeoisie” et
“oligarchie”. On n’est plus seulement dans la domination sociale, ça
devient un système, qui suppose une emprise politique presque totale.
-Tout à fait.
-Quand est-ce que vous est venu à l’esprit, puis sous la plume, ce mot “Oligarchie” ?
_ -À la fin des années 90, c’était pas tellement dicible, ni audible,
parce qu’on avait un gouvernement soi-disant “de gauche”. On a commencé
à prendre des notes à partir de Raffarin, de 2002. Mais l’histoire
s’est accélérée, évidemment, avec Nicolas Sarkozy : il a rendu
l’oligarchie visible.
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