À propos d’un dossier de Marianne sur la sortie de l’euro. Par Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic.
« Sortir de l’euro ? Le débat interdit » titre Marianne (N° 876, du 31 janvier au 6 février).
On pourrait ironiser en faisant remarquer que ce soi-disant débat interdit fait régulièrement l’objet d’échanges argumentés dans un certain nombre d’organes de presse, que ce soit à droite ou à gauche, que cette perspective est évoquée régulièrement par certains responsables politiques et qu’en pages intérieures Marianne reconnaît que « dans tous les ministères des Finances de la zone, comme dans tous les services de recherche et de gestion des risques des grands établissements financiers, tout le monde planche là-dessus ». Pour un débat interdit… On pourrait aussi faire remarquer que Marianne « oublie » de donner la parole à une position, celle pour qui la mise en place de la monnaie unique n’est qu’un des aspects d’un problème plus vaste, l’imposition en Europe par tous les gouvernements de politiques néolibérales menées au nom de la compétitivité.
L’Interview d’E.Todd, décryptage
Dans ce dossier, l’interview d’Emmanuel Todd mérite que l’on s’y arrête. On pourrait là aussi ironiser sur ses propos sondant l’inconscient de François Hollande « son inconscient sait, il a peur ». C’est le même Todd, partisan du « hollandisme révolutionnaire » qui, pendant la campagne électorale de 2012, soutenait François Hollande et prévoyait qu’il serait forcé par la crise de prendre des mesures anti-libérales…
Dans son interview, Todd traite le Parlement européen de « parlement bidon ». Pourtant, la comparaison entre le Parlement européen et le Parlement français ne tourne pas nécessairement à l’avantage de ce dernier. Ni l’un ni l’autre ne sont à l’initiative des lois et dans le cas français, l’utilisation d’une niche parlementaire pour présenter une proposition de loi n’a de chance d’aboutir qu’avec l’accord du gouvernement. Cependant, avec l’instauration de la codécision dans de nombreux domaines, le Parlement européen peut bloquer une directive en cas de désaccord avec le Conseil, à l’issue d’une procédure d’amendements et d’allers-retours avec le Conseil, ce qui est déjà arrivé à certaines reprises. Par contre, si le Parlement français peut théoriquement bloquer un projet de loi du gouvernement, il en est tout autrement dans la pratique, les parlementaires de la majorité étant soumis à une logique institutionnelle qui les rend, in fine, solidaires du gouvernement. Comme tous les anti-européens, Todd refuse de reconnaître que c’est parce que la démocratie a été vidée de son contenu au niveau national qu’elle est quasi-inexistante au niveau européen.
Lire la suite
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire