Par Patrick Le Hyaric
C’est sans doute la ministre, Mme Fleur Pèlerin, qui a le
mieux caractérisé le sens du voyage d’état de F. Hollande aux Etats-Unis. Il
était « venu donner des preuves d’amour aux patrons ». Et le peuple alors ? A
quel sentiment a-t-il droit ? De fait, en faisant participer M. Gattaz au dîner
d’Etat, en se rendant auprès du grand patronat à San Francisco et en donnant
l’accolade au leader du mouvement de novembre 2012, dit des « pigeons », opposé
à l’impôt sur le capital, le Président de la République a malheureusement une
nouvelle fois montré quels intérêts il servait. Nous en sommes au point où la
droite n’a même plus le loisir de critiquer les choix économiques, sociaux et
internationaux actuels, puisque ses idées sont mises en œuvre. M. Copé et
d’autres en sont réduits à la surenchère jusqu’à commenter bêtement la qualité
de livres pour enfants et à faire courir des rumeurs sur feu la loi sur la
famille ou cette fumeuse prétendue « théorie du genre » à l’école.
Au cours du voyage présidentiel aux Etats-Unis, n’ont jamais
été évoqués : ni les affaires d’espionnage par la NSA, ni le sort de Snowden et
d’Assange, ni Guantanamo, ni les enjeux du désarmement pas plus que les
largesses fiscales dont bénéficient des groupes comme Google. Par contre, le
Président de la République a de fait poursuivi sa mue, se dépouillant
définitivement des quelques oripeaux sociaux-démocrates qui l’encombraient
encore. En appelant à « accélérer les négociations sur le projet de marché transatlantique,
pour une conclusion rapide », M. Hollande a donné satisfaction aux
organisations patronales allemandes et au Medef qui, dans une déclaration
commune, le réclamaient. Tout comme à « l’European américan business concil »
(EABC) ou conseil des affaires Europe – Amérique qui regroupe des dizaines de
grandes sociétés industrielles et bancaires et au « Transatlantic business
Dialogue » qui, côté américain comme européen, réunit les principales firmes
transnationales.
Jamais jusqu’ici, le Président de la République n’a parlé en
France du projet de marché unique transatlantique à la télévision ou au cours
d’une réunion publique. Voici qu’il le fait aux Etats-Unis devant M. Obama et
le monde des affaires, après avoir cosigné, le jour de son arrivée sur le
continent nord-américain, une tribune commune avec le président nord-américain.
Ce projet est extrêmement dangereux pour nos vies
quotidiennes. Il poursuit plusieurs buts : tenter de faire face à la crise des
débouchés que provoquent les politiques d’austérité en attisant la guerre
économique pour offrir des « marchés » d’exportation aux grandes firmes en
éliminant toutes les barrières douanières et surtout en harmonisant vers le bas
toutes les règles du commerce et les normes sociales, sanitaires, alimentaires
ou environnementales. Toutes les mesures de protection sociale comme le salaire
minimum garanti, les précautions sanitaires, la qualité de l’alimentation, les
services publics, la création culturelle, la protection des consommateurs, les
droits d’auteurs, l’épargne, seraient alignées sur des « règles mondiales
édictées par le grand capital international » pour augmenter encore ses marges
et ses profits.
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