Rappelant
l'expérience « exemplaire » du Kurdistan syrien, avec sa Charte de Rojava « qui
parle de liberté, de justice, de dignité et de démocratie ; d'égalité et de
recherche d'un équilibre écologique », le philosophe italien Sandro Mezzadra
appelait, dans ce texte du 7 octobre, les Européens à aider d'urgence la ville
de Kobané à résister à l'assaut de l'Etat islamique (EI).
A l'automne 2014, H&M a lancé une collection de
vêtements féminins clairement inspirée de la tenue des combattantes kurdes,
dont les images ont circulé dans les médias du monde entier. A peu près au même
moment, les forces de sécurité turques réprimaient les Kurdes qui, à la
frontière avec la Syrie, exprimaient leur solidarité avec Kobané – la ville qui
résiste depuis plusieurs semaines au siège de l'Etat islamique (EI). Cette
frontière, qui a été incroyablement poreuse pour les miliciens djihadistes, est
maintenant hermétiquement fermée pour les combattants du PKK, qui s’y massent
pour tenter de rejoindre Kobané. Et la ville kurde syrienne est seule devant
l'avancée de l’EI. Pour la défendre, il ne reste qu’une poignée de combattants
et de combattantes des forces populaires d'auto-défense (YPG/YPJ), armés de
kalachnikovs face aux blindés et à l'artillerie lourde de l’EI. Les
interventions de la “coalition antiterrorisme” dirigée par les Etats-Unis ont
été – du moins jusqu'au 6 octobre – sporadiques et totalement inefficaces.
Quelques drapeaux noirs flottent déjà sur Kobané.
Mais qui sont les combattants et les combattantes du YPG/YPJ
? Chez nous, les médias les appellent souvent les peshmerga, un mot qui nous
plaît sans doute pour son “exotisme”. Dommage que les peshmerga soient les
membres des milices du KDP (Parti démocratique du Kurdistan) de Barzani, le
chef du gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien, c'est-à-dire
précisément ces milices qui ont abandonné leurs positions autour de Sinijar au
début du mois d’août, en laissant le champ libre à l’EI et en mettant en danger
la vie de milliers de Yazidis et d'autres minorités religieuses. Ce sont les
unités de combat du PKK et le YPG/YPJ qui ont finalement traversé la frontière
et qui sont intervenues avec une efficacité remarquable dans le cadre de la
lutte menée depuis des mois contre le fascisme de l'Etat islamique.
Oui, il est vrai que l'EI a été “inventé” et encouragé par
les Emirats, les pétromonarchies, les Turcs et les Américains, mais sur le
terrain il ne s’agit de rien d’autre que de fascisme. La balle avec laquelle
s'est tuée le 3 octobre, à Kobané, Ceylan Ozalp, âgée de 19 ans, pour ne pas
tomber dans les mains des bourreaux de l'EI, nous le rappelle. Certains l’ont
appelée kamikaze : mais comment ne pas voir le lien entre cette balle (ce geste
extrême de liberté) et la pilule de cyanure que des générations de partisans et
de combattants contre le fascisme et le colonialisme, de l'Italie à l'Algérie
jusqu’à l'Argentine, conservaient dans leur poche ?
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