Dotée de considérables budgets de communication — qui, eux,
ne sont pas amputés par des mesures d’austérité — la Commission européenne part
du principe que si un débat public est organisé au niveau européen sur un sujet
donné, il ne saurait avoir d’autre conclusion que la validation de ses propres
positions. S’il y a le moindre risque, pas de débat. On en a eu un exemple
significatif avec la gestion des critiques des adversaires du projet de traité
visant à instituer un Grand marché transatlantique (GMT ou TAFTA ou TTIP ou
PTCI ) [1] entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.
Le PTCI s’annonce comme le plus sensible des problèmes
qu’aura à traiter la nouvelle Commission européenne dès sa prise de fonctions
dans le 1er novembre. Vu l’ampleur des oppositions qu’il soulève, il rappelle
le Traité constitutionnel européen (TCE) rejeté par les électeurs français et
néerlandais en 2005, ce qui aurait dû l’enterrer définitivement. Mais, par une
démarche s’apparentant à une véritable forfaiture, son contenu avait été repris
pratiquement à l’identique dans le traité de Lisbonne de 2007 [2]. C’est pour
tenter d’éviter la répétition de ce scénario que le collège bruxellois a décidé
d’engager une action de relations publiques de grande ampleur, sans envisager
une seconde qu’elle pouvait avoir un effet boomerang. Il l’a fait dans le cadre
des dispositions du traité de Lisbonne qui, sur un thème qu’elle choisit,
autorisent la Commission à procéder à « de larges consultations des parties
concernées » [3].
C’est ainsi que le commissaire européen au commerce, le
Belge Karel De Gucht (qui sera remplacé en novembre prochain par la Suédoise
Cecilia Malmström) avait annoncé le 21 janvier 2014 l’organisation d’une
consultation publique sur la clause la plus controversée du projet de traité
sur le GMT : la mise en place de tribunaux d’arbitrage privés pour régler les
différends entre Etats et investisseurs, c’est-à-dire une justice sur mesure
pour les multinationales [4]. Près de 150 000 réponses [5] ont été reçues à la
date de clôture de la consultation (le 13 juillet), dont plus de 99 % émanant
de citoyens à titre individuel. Environ 800 contributions provenaient
d’organisations : ONG, syndicats, entreprises, cabinets d’avocats, etc.
A première vue, le commissaire aurait de bonnes raisons de
se féliciter du succès de son initiative. Mais la vérité est qu’il est très
embarrassé car il pressent que l’immense majorité des réponses individuelles
sont hostiles au dispositif d’arbitrage envisagé. Il lui faut maintenant
trouver un habillage pour neutraliser ce résultat prévisible lorsqu’il sera
rendu public en novembre prochain. L’une des méthodes envisagées serait, en cas
de réponses identiques, par exemple élaborées par une ONG et reprises telles
quelles par un citoyen, de ne les comptabiliser que comme une seule et unique
réponse. De cette manière, 149 000 réponses pourraient se réduire à quelques
dizaines ou centaines…
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