Présentée comme le
pendant social aux cadeaux faits au patronat, la suppression de la première
tranche de l’IR signe en réalité le renoncement du gouvernement à la « grande
réforme fiscale » promise par Hollande en 2012. Les gains réels pour les
contribuables paraissent aléatoires.
Ce devrait être l’une des mesures phares du budget de l’État
2015, du moins dans son volet recettes, et certainement la plus vendable. Comme
l’a annoncé Manuel Valls le 17 septembre, le projet de loi de finances,
présenté ce matin en Conseil des ministres, devrait prévoir, au milieu d’un
paquet de mesures austères, la suppression de la première tranche d’impôt sur
le revenu – celle concernant les revenus entre 6 000 et 12 000 euros,
assujettie à un taux de prélèvement de 5,5 %. Quelque six millions de ménages
en profiteront en 2015, a assuré le chef du gouvernement, pas peu fier de son
annonce surprise, censée redorer quelque peu le blason social passablement
terni de son gouvernement. Cet allégement fiscal pour les particuliers
viendrait contrebalancer, espère-t-il, dans l’opinion, l’effet des quelque
40 milliards d’euros de largesses concédées au patronat, en baisses d’impôts et
de cotisations sociales. Quel gain réel les contribuables peuvent-ils en espérer ?
Rien de moins évident.
Une offensive contre l’impôt juste
Un premier constat s’impose : par définition, les
non-imposables, soit la moitié des ménages, n’y gagneront rien. Pour les
autres, « certes, il y aura des gagnants, pour quelques dizaines, cent ou deux
cents euros (les modalités précises de la mesure restent à connaître – NDLR),
mais une fois tout déduit, il y aura très peu de chose gagné », avertit
Alexandre Derigny, dirigeant de la fédération CGT des finances. Impossible en
effet de dissocier l’impôt sur le revenu (IR) de l’ensemble de la fiscalité. À
commencer par la TVA, dont le taux a été augmenté le 1er janvier dernier, et
qui pèse bien plus lourd sur le budget des ménages que l’IR. Un couple avec
deux enfants, où chacun perçoit 1 700 euros par mois, paiera cette année
1 091 euros d’impôt sur le revenu et… 3 905 euros de TVA ! S’y ajoutent les
impôts locaux, en forte hausse ces dernières années, et qui augmenteront
vraisemblablement encore : la baisse annoncée de 11 milliards d’euros d’ici à
2017 – 3,7 milliards dès 2015, a confirmé hier le gouvernement – de la dotation
de l’État ne laissera pas d’autre choix aux collectivités territoriales. Le
sens même de la mesure ne pose pas moins question. Elle participe de la
véritable offensive, lancée de longue date, intensifiée par l’équipe Valls, contre
l’impôt potentiellement le plus juste puisque progressif, demandant à chacun de
contribuer à la hauteur de ses moyens. Un impôt certes rendu largement
illisible pour le contribuable lambda par les mesures qui, depuis trois
décennies, ont mité le système. Ainsi de la suppression de tranches en haut du
barème (le taux d’imposition maximal est tombé de 65 % en 1983 à 45 %). Ainsi
encore de la kyrielle de « niches » instituées, permettant d’« éluder »
l’impôt, et dont les plus riches tirent principalement avantage.
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