Le
président de l’Assemblée nationale a associé hier tous les groupes
politiques à son projet de réforme du Parlement. Nombre d’élus craignent
un affaiblissement du rôle du député.
François
de Rugy s’est voulu rassurant hier en lançant son projet de « Parlement
du XXIe siècle ». Devant de nombreux députés, le président de
l’Assemblée nationale était attendu au tournant, tant le programme
d’Emmanuel Macron sur la question inquiète des élus de tous bords. Le
président de la République veut en effet diminuer d’un tiers le nombre
de parlementaires, faire voter les lois en commission et réduire le
temps législatif à trois mois par an. Autant de mesures, soutenues par
François de Rugy, qui risquent d’affaiblir le Parlement, et qui
s’ajoutent au profond mépris de l’exécutif envers les députés, du
recours aux ordonnances pour réformer le Code du travail cet été à
l’entrée en vigueur, aujourd’hui même, du Ceta sans que la
représentation nationale ait eu son mot à dire.
La crainte d’un énième écran de fumée
C’est dans ce contexte que François de Rugy a soigné les
formes, hier, en présentant le plan adopté pour « passer en revue, en
cinq ans, l’ensemble des procédures et de l’organisation » du
Palais-Bourbon. Sept groupes de travail composés de dix députés de
toutes sensibilités politiques, hormis les non-inscrits, ont été créés.
Une présidence a même été attribuée à chaque groupe politique de
l’Assemblée. Problème : les sept rapporteurs des sept groupes de travail
sont tous membres de la majorité (six LREM et un Modem). « C’est assez
incompréhensible, sachant que c’est le rapporteur qui aura un lien
direct avec le président de l’Assemblée nationale et qui sera chargé de
rédiger le rapport final. C’est l’un des aspects qui nous fait craindre
un énième écran de fumée. Nous serons donc très attentifs et veillerons à
défendre le rôle et la place du Parlement dans notre République »,
mesure Elsa Faucillon, députée PCF et présidente du groupe de travail
« ouverture de l’Assemblée nationale à la société ».
Après s’être octroyé tous les postes de questeurs, la
majorité récidive donc. « Ce qui m’interroge surtout, c’est que, pour
nombre de mesures que nous soumettrons, c’est le bureau de l’Assemblée
qui décidera. Au lieu de laisser les députés légiférer comme il se doit,
on leur retire de nouveau leurs prérogatives », confie Michel Larive,
député FI qui préside le groupe « conditions de travail à l’Assemblée et
statut des collaborateurs ». D’autres conclusions devraient toutefois
être soumises à un vote dans l’Hémicycle, et les réformes à caractère
constitutionnel devront obtenir l’assentiment des trois cinquièmes du
Congrès, qui réunit l’ensemble des députés et des sénateurs.
Il faudra notamment en passer par là au sujet du vote des
lois en commission. « Nous sommes résolument opposés à cette mesure,
prévient Elsa Faucillon. Les députés ne sont pas élus pour siéger dans
une commission ou une autre, et pour voter uniquement sur les sujets qui
s’y rapportent. Non, nous sommes élus pour voter toutes les lois, dans
un même hémicycle qui doit réunir tous les membres de la représentation
nationale. » La suppression d’un tiers des parlementaires devrait elle
aussi être examinée lors du Congrès à venir. « La majorité dit vouloir
renforcer le lien entre les élus et les citoyens, mais elle veut
diminuer le nombre d’élus. C’est assez contradictoire. François de Rugy
dit vouloir baisser le nombre de députés afin d’augmenter le nombre de
collaborateurs par député. Pourquoi opposer les deux ? Il s’agit d’une
vision purement comptable qui me laisse perplexe. L’Assemblée nationale
n’est pas une entreprise mais doit être le cœur battant de la République
et avoir les moyens conséquents », argumente Michel Larive.
François de Rugy a annoncé qu’une « conférence des
réformes » sera tenue tous les six mois pour faire un point sur l’état
des travaux. Il a assuré que l’action des députés sera respectée. « Le
résultat n’est pas connu à l’avance. Personne ne verra sa propre vision
s’imposer. Même pas la mienne. Nous ferons tous avancer cette réforme »,
a-t-il lancé, avant de prévenir : « S’il n’y a pas de consensus, cela
ne m’empêchera pas d’agir. » Au nom de l’« efficacité », il a appelé à
diminuer les navettes parlementaires entre l’Assemblée et le Sénat, et à
accélérer le temps législatif, « trop long pour les citoyens ». « Si
l’efficacité, c’est de ne pas prendre le temps de la démocratie, la
défiance ne pourra que croître », prévient Elsa Faucillon.
Rôle de contrôle du parlement
François de Rugy veut renforcer le rôle de contrôle du Parlement « dans l’après-vote de la loi ». « Il
ne faut pas opposer temps législatif et temps de contrôle, mais nous
avons ici beaucoup à faire. L’exécutif a sa part dans le retard
d’application des lois, de décrets non pris en décrets dénaturés. Le
déséquilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif est ici criant », analyse Cécile Untermaier, élue PS et présidente du groupe « démocratie et numérique ».
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