Le
premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel
Pénicaud, jeudi, lors de la présentation du contenu des ordonnances ré
formant le Code du travail. Charles Platiau/Reuters
Édouard
Philippe et Muriel Pénicaud ont présenté le contenu des ordonnances
réformant le Code du travail. Licenciements, représentations syndicales,
accords d’entreprises… il s’agit d’une attaque en règle contre les
acquis sociaux des salariés.
Fin
du suspense. Hier, Édouard Philippe et Muriel Pénicaud ont levé le
voile sur le contenu des ordonnances réformant le Code du travail. Cinq
textes, 36 mesures pour près de 200 pages dont la publication met enfi n
un terme à la mise en scène orchestrée par le gouvernement qui maintient
sciemment, et depuis des mois, le fl ou autour de cette fameuse « loi
travail puissance 10 » que le
candidat Macron appelait de ses vœux. Le chef de l’État entendait «
libérer les énergies », son premier ministre s’est félicité hier d’« une
réforme ambitieuse, équilibrée et juste », qui va « changer l’esprit du
Code du travail », a renchéri la ministre du Travail. L’opération de
communication vise à la faire ap
paraître comme des adaptations nécessaires aux évolutions
inévitables du monde du travail, ce qui, dans le fond, revient à
poursuivre la politique de casse du droit du travail en cédant aux
vieilles revendications patronales. En facilitant les licenciements, en
organisant l’aff aiblissement des pouvoirs des salariés et de leurs
représentants syndicaux, en faisant primer la négociation en
entreprise sur les accords de branche et sur la loi, l’exécutif
s’inscrit de fait dans la droite ligne des politiques libérales menées
grand train depuis des décennies, encouragées par les directives
européennes de dérégulation et qui n’ont pas permis, loin s’en faut, de
lutter contre le chômage de masse.
Édouard Philippe l’a répété jeudi : « La France restera un
état de droit social. » « Mais, a ajouté le premier ministre, il faut
avoir conscience de la situation de notre pays et des décennies de
chômage de masse. » Ajoutant que « personne ne peut soutenir aujourd’hui
que le droit du travail favorise l’embauche », la nouvelle majorité
s’est donc donné pour mission de lancer « la grande transformation pour
réparer le pays », a-t-il poursuivi. Le ton est donné.
En quatre grands axes, selon l’exécutif, cette réforme du
Code du travail « donne la priorité aux TPE et PME », « développe
massivement le dialogue social dans l’entreprise et dans la branche »,
instaure « de nouveaux droits et de nouvelles protections pour les
salariés » et « renforce l’attractivité économique du territoire ».
Mais, dans les faits, elle détricote minutieusement les droits et met en
musique l’inversion de la hiérarchie des normes : dorénavant, la loi ne
sera plus un plancher de droits que les négociations ne peuvent
qu’améliorer mais un plafond (lire ci-contre). Les organisations
patronales, Medef en tête, ont le sourire et les syndicats, divisés,
organisent pour certains la riposte. La CGT – qui a vu « toutes ses
craintes confirmées » – et Solidaires appellent à la mobilisation le 12
septembre, mobilisation à laquelle la CFE-CGC n’exclut plus de
participer. FO n’en sera pas. Et la CFDT, « déçue », organisera de son
côté des rassemblements dans les entreprises en octobre.
Le texte, lui « est arrêté, il est complet », a insisté
Édouard Philippe. « Il peut être modifié, mais à la marge », a-t-il
poursuivi. En somme, à l’image du simulacre de négociations avec les
syndicats, le gouvernement veut aller vite. Les ordonnances, après le
Conseil d’État, seront présentées le 22 septembre en Conseil des
ministres. Une fois signées par Emmanuel Macron, elles entreront en
vigueur « fin septembre », a assuré Édouard Philippe. À moins que
l’ampleur de la mobilisation n’inverse le cours des choses…
Lire notre décryptage des ordonances
La casse du code du travail au centre des débats
Face à l’ampleur des attaques, la Fête de l’Humanité
s’inscrira trois jours durant, les 15, 16 et 17 septembre, dans la lutte
pour le progrès social et mettra la question des droits des
travailleurs au cœur de ses grands débats. Samedi 16 septembre
après-midi, l’Agora de l’Humanité accueillera ainsi la mise en scène du
procès de la nouvelle loi travail, en présence d’avocats spécialisés, de
responsables syndicaux, mais également de grands témoins comme Gérard
Filoche (ancien inspecteur du travail) ou Emmanuel Dockès (professeur de
droit du travail). Le Forum social organisera, samedi, à 18 heures, un
grand débat sur le thème en présence de Philippe Martinez et le stand
national du PCF mettra le droit du travail au cœur d’un échange avec des
parlementaires dès le vendredi, à 18 heures
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