Le mouvement des Indignés n’a pas eu la même ampleur en France qu’en Espagne ou en Grèce, loin s’en faut. Pour quelles raisons ? Annick Coupé, porte-parole de Solidaires, estime que chez nous, « les forces sociales n’ont pas abdiqué, les syndicats sont encore dans la lutte et gardent une capacité à mobiliser les jeunes, bien que ceux-ci soient peu syndiqués, alors qu’en Espagne, le passage à un syndicalisme d’accompagnement a ouvert un espace ». Le politologue René Mouriaux renchérit : « En Espagne, les syndicats de gauche ont levé le pied sur la défense du salariat. Le syndicalisme apparaît alors comme un partenaire du libéralisme économique et politique et perd de son attrait. » Pour Agnès Naton, secrétaire confédérale de la CGT, la faible mobilisation des Indignés français « laisse penser, qu’ici, le syndicalisme est davantage crédible et plus légitime. Les sondages montrent que la côte de popularité de la CGT auprès des jeunes est très bonne ».
Vraiment ? Pour Yannick Montaulieu, porte-parole des Indignés de Bayonne, qui ont campé six semaines en centre-ville au printemps dernier pour réclamer une « démocratie directe et participative », « les syndicats sont les bienvenus, mais sans leur drapeau. Ils ont une hiérarchie, on n’en veut pas. Avec un drapeau, on n’est plus indépendant ». Selon Ophélie de Génération Précaire, qui avait rejoint au mois de mai les Indignés à Paris, « si ça n’a pas pris en France, c’est parce qu’on a voulu imiter ce qui se passait au Portugal et en Espagne, mais ce n’était pas adapté. Pour exemple, occuper une place et y rester, c’est typiquement espagnol ». Et de poursuivre : « Les syndicats ont beau dire qu’ils veulent s’occuper des jeunes, on attend toujours. Quand vous êtes en stage ou en intérim, vous êtes hors du système et tout le monde s’en fout ».
Ni droite ni gauche
Problème relevé par Ophélie : « D’un côté, quand vous n’êtes pas syndiqué, vous n’avez pas voix au chapitre. De l’autre, il y a eu des voix turbulentes, mais qui n’ont pas fait de propositions concrètes, de peur d’être marquées politiquement ». C’est le fameux « ni droite - ni gauche », qui explique aussi la distance entre les uns et les autres : au-delà de la revendication, légitime, d’une « démocratie réelle », d’une organisation horizontale, les Indignés ont pâti du manque d’un discours de fond et de revendications communes et identifiées. Mais « si les Indignés se disent ni de droite ni de gauche, note judicieusement René Mouriaux, c’est parce que la gauche qui est au pouvoir n’est pas la gauche. »Lire la suite
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