Naomi Klein, journaliste canadienne et auteur de La Stratégie du choc, était invitée à s’exprimer par le mouvement Occupy Wall Street, à New York. Selon elle, ce mouvement va durer, car le combat contre le système économique « injuste et hors de contrôle » prendra des années. Objectif : renverser la situation en montrant que les ressources financières existent, qui permettraient de construire une autre société.
J’ai été honorée d’être invitée à parler [le 29 septembre] devant les manifestants d’Occupons Wall Street. La sonorisation ayant été (honteusement) interdite, tout ce que je disais devait être répété par des centaines de personnes, pour que tous entendent (un système de « microphone humain »). Ce que j’ai dit sur la place de la Liberté a donc été très court. Voici la version longue de ce discours [publiée initialement en anglais dans Occupy Wall Street Journal].
Je vous aime.
Et je ne dis pas cela pour que des centaines d’entre vous me répondent en criant « je vous aime ». Même si c’est évidemment un des avantages de ce système de « microphone humain ». Dites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous redisent, encore plus fort.
Hier, un des orateurs du rassemblement syndical a déclaré : « Nous nous sommes trouvés. » Ce sentiment saisit bien la beauté de ce qui se crée ici. Un espace largement ouvert – et une idée si grande qu’elle ne peut être contenue dans aucun endroit – pour tous ceux qui veulent un monde meilleur. Nous en sommes tellement reconnaissants.
S’il y a une chose que je sais, c’est que les 1 % [les plus riches] aiment les crises. Quand les gens sont paniqués et désespérés, que personne ne semble savoir ce qu’il faut faire, c’est le moment idéal pour eux pour faire passer leur liste de vœux, avec leurs politiques pro-entreprises : privatiser l’éducation et la Sécurité sociale, mettre en pièces les services publics, se débarrasser des dernières mesures contraignantes pour les entreprises. Au cœur de la crise, c’est ce qui se passe partout dans le monde.
Et une seule chose peut bloquer cette stratégie. Une grande chose heureusement : les 99 %. Ces 99 % qui descendent dans les rues, de Madison à Madrid, en disant : « Non, nous ne paierons pas pour votre crise. »
Ce slogan est né en Italie en 2008. Il a ricoché en Grèce, en France, en Irlande, pour finalement faire son chemin jusqu’à l’endroit même où la crise a commencé.
« Pourquoi protestent-ils ? » demandent à la télévision les experts déroutés. Pendant ce temps, le reste du monde demande : « Pourquoi avez-vous mis autant de temps ? », « On se demandait quand vous alliez vous manifester ». Et la plupart disent : « Bienvenus ! »
Beaucoup de gens ont établi un parallèle entre Occupy Wall Street et les manifestations « antimondialisation » qui avaient attiré l’attention à Seattle en 1999. C’était la dernière fois qu’un mouvement mondial, dirigé par des jeunes, décentralisé, menait une action visant directement le pouvoir des entreprises. Et je suis fière d’avoir participé à ce que nous appelions alors « le mouvement des mouvements ».
Mais il y a aussi de grandes différences. Nous avions notamment choisi pour cibles des sommets internationaux : l’Organisation mondiale du commerce, le FMI, le G8. Ces sommets sont par nature éphémères, ils ne durent qu’une semaine. Ce qui nous rendait nous aussi éphémères. On apparaissait, on faisait la une des journaux, et puis on disparaissait. Et dans la frénésie d’hyperpatriotisme et de militarisme qui a suivi l’attaque du 11 Septembre, il a été facile de nous balayer complètement, au moins en Amérique du Nord.
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