par Emmanuel Blanchard et Claire Rodier du GISTI
Le Parti socialiste est revenu au pouvoir après
onze années d’opposition pendant lesquelles il n’a pas cherché à penser
une politique d’immigration adaptée aux enjeux contemporains. Refusant
de prendre acte des atteintes aux droits, inhérentes à une « maîtrise de
flux migratoires » érigée en véritable leitmotiv, il était condamné à
les reproduire. Retour historique et critique sur l’action d’un parti
dont l’épuisement idéologique et programmatique était criant avant même
l’épreuve du retour aux « affaires ».
L’Arlésienne
« Sur le droit de vote des étrangers, je n’ai pas soumis ce texte
car je sais que l’opposition n’en veut pas, et je ne veux pas donner
l’impression que nous chercherions, avant les municipales, à utiliser
cette question du droit de vote des étrangers pour entretenir je ne sais
quel malentendu ». Voici donc la nouvelle explication trouvée par
François Hollande, lors d’une conférence de presse en mai 2013, pour
justifier l’ajournement d’une promesse datant de plus de trente ans
– puisque le droit de vote des étrangers figurait au programme du
candidat Mitterrand en 1981. Celui qui, juste avant d’être élu président
de la République, envisageait sa mise en œuvre « pour 2013, avant les élections de 2014 », préfère désormais laisser passer l’échéance électorale des municipales : « comme il n’y aura plus d’enjeu », un texte « sera soumis au Parlement et le Parlement en fera l’adoption s’il le souhaite ».
La voie référendaire n’a jamais été sérieusement été envisagée, alors
que, dans un contexte plus offensif, et en lien avec une politique
économique et sociale plus audacieuse, il aurait été possible d’obtenir
une majorité. Le renvoi vers le Parlement est une façon d’enterrer cette
« promesse » : la réforme implique une modification de la Constitution,
donc l’aval d’une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés,
soit 555 parlementaires : un total que la gauche, même en imaginant que
tous ses élus soient favorables à la réforme – rien n’est moins sûr –
ne peut rassembler à elle seule. À supposer que, passées les élections
municipales de 2014, une nouvelle reculade ne renvoie pas la réforme aux
calendes grecques, on peut s’attendre à ce qu’elle soit rejetée, tant
par une droite par principe hostile que par une gauche parlementaire
bien timide : lorsqu’en septembre 2012 il s’était agi de trouver des
parlementaires pour signer un texte en faveur du droit de vote des
étrangers, seuls 77 députés socialistes sur 297 avaient répondu à
l’appel [1].Comment s’en étonner, quand le ministre de l’intérieur se fait le porte-voix d’un sentiment sans doute largement partagé au sein de l’aile droite de son parti : en réponse à ces signataires, Manuel Valls interrogeait, dans une interview au Monde : « [le droit de vote est-il] aujourd’hui une revendication forte dans la société française ? Un élément puissant d’intégration ? », avant de répondre : « non. Ça n’a pas la même portée qu’il y a trente ans. Aujourd’hui, le défi de la société française est celui de l’intégration. »
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