Par Ivan Duroy et Rachel Knabel
Septembre 1914. Alors que les armées allemandes envahissent
le Nord de la France, la mobilisation générale sonne aussi pour les
industriels. Le gouvernement charge de grands patrons français de réorganiser
l’économie, placée au service de la guerre. Mais pas question pour autant de sacrifier
les profits ! Des deux côtés du Rhin, les bénéfices explosent pour quelques
grandes entreprises. Une situation qui suscite colères et débats alors que des
centaines de milliers d’hommes tombent au front. Plusieurs de ces « profiteurs
de guerre » d’hier sont devenus les multinationales d’aujourd’hui.
6 septembre 1914. Les avant-gardes allemandes arrivent à
Meaux, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Interrompant trois semaines
de retraite, les armées françaises et britanniques font volte-face pour mener
la première bataille de la Marne. À l’arrière, la mobilisation industrielle
commence. Car la guerre semble devoir durer. Après un mois de conflit, l’armée
manque déjà d’artillerie et de munitions. L’état-major réclame 100 000 obus par
jour pour ses fameux canons de 75 alors que les ateliers n’en fabriquent que 10
000.
Le 20 septembre, le ministre de la Guerre, le socialiste
Alexandre Millerand, organise une réunion à Bordeaux, où le gouvernement s’est
réfugié. Y participent des représentants du Comité des forges, la plus
puissante organisation patronale française, des membres de l’influente famille
Wendel, propriétaire des aciéries de Lorraine, et Louis Renault, fondateur des
usines éponymes. Des « groupements industriels régionaux » sont créés. Ils
serviront d’intermédiaires entre l’État et l’armée d’un côté, les gros
industriels et leurs sous-traitants de l’autre, pour répondre aux commandes.
Les grandes entreprises en prennent la direction, comme la Compagnie des forges
et aciéries de la marine et d’Homécourt, ou les établissements Schneider (Le
Creusot), créés en 1836 et l’un des principaux fournisseurs d’armement
français. Ces deux entreprises sont les aïeux de ce qui deviendra beaucoup plus
tard Arcelor Mittal et Schneider Electric.
Quant à Louis Renault, il dirige la mobilisation des
industriels en région parisienne. Une occasion inespérée alors que la marque au
losange connaît de sérieuses difficultés avant la guerre. Côté allemand aussi,
on s’organise. Début octobre, une commission destinée à développer des gaz de
combat est lancée. Carl Duisberg, le patron de l’entreprise chimique Bayer en
prend la tête (voir notre prochain article, publié le 2 septembre).
De grandes épopées
industrielles commencent grâce au conflit
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