L’assassinat (et non on ne sait quelle « exécution » comme
le disent et l’écrivent très malencontreusement de nombreux journalistes) de
notre compatriote Hervé Gourdel suscite une intense et légitime émotion tant en
France qu’à l’étranger. On s’associe naturellement à la peine et aux chagrins
de ses proches.
Mais, sous le coup de l’émotion, un certain nombre de
contre-vérités, de mensonges éhontés, sont aussi proférés. Il n’est pas
admissible de laisser la politique étrangère prise en otage par l’émotion,
aussi légitime que soit cette dernière. Il est inacceptable que la politique
intérieure puisse être cyniquement manipulée au nom de cette émotion. On
voudrait ici rappeler un certain nombre de faits
1. Le soi-disant « Etat Islamique » est le fruit de plus de
dix ans de politique américaine au Moyen-Orient.
L’organisation s’appelant « Etat Islamique », dont la
barbarie est évidente, et qui donne tous les jours les preuves de sa sauvagerie
dans la manière dont elle traite les populations sous son contrôle n’est pas
née du hasard. Ce n’est pas le fruit simplement du « fanatisme » religieux,
même si ce dernier joue un rôle de justification et de légitimation. Il
convient de rappeler ici que le soi-disant « Etat Islamique » se développe sur
les ruines laissées par l’intervention de ce qu’avec Maurice Godelier nous appelions
en 2003 « l’isolationnisme interventionniste providentialiste » des
Etats-Unis[1]. C’est cette intervention, avec ses suites, qui a durablement
déstabilisé la région. Elle se fit au mépris du droit international et du droit
des gens[2]. Les traces qu’elle a laissées sont encore douloureuses.
2. La montée de l’intégrisme musulman est le produit de la
destruction des nationalismes arabes.
Un deuxième point, tout aussi important, est que la montée
d’un intégrisme militant musulman répond à la destruction, elle aussi organisée
et voulue par les Etats-Unis, des nationalismes arabes. Non que ces
nationalismes, qu’il s’agisse du Nassérisme ou des partis se réclamant du parti
Baas aient été exempts de défauts. Les régimes issus du nationalisme arabe ont été
corrompus et souvent despotiques, mais en un sens pas plus que les nôtres. Le
temps de leur nécessaire maturation ne leur fut jamais accordé. Rappelons que
le discours de Michel Aflak, l’idéologue de ce nationalisme, correspondait à
une véritable introduction de la modernité dans cette région du monde. La
devise initiale du mouvement Baas, Wahdah, Hurriyah, Ishtirrakiyah, ce qui
signifie « Unité, Liberté, Socialisme », fait référence à une idéologie
reconnaissant le statut individuel de la personne humaine. Aflak d’ailleurs,
tout en reconnaissant la présence dominante de la culture musulmane, affirme la
nécessité de construire un Etat laïc.
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