mercredi 24 janvier 2018

Habitat. À Paris, logement social dans quartier chic

La Mairie de Paris n’a pas l’intention de faire marche arrière. Objectif : préserver la mixité sociale dans cette ville parmi les plus chères du monde. François Perri/REA
 
Au terme d’une intense bataille juridique, 46 appartements situés dans le 16e arrondissement de la capitale vont être transformés en HLM.
Et si finalement tout se passait bien ? En visitant hier certains des 46 appartements situés dans le très chic 16e arrondissement de Paris, vendus par la ville au bailleur Elogie-Siemp pour en faire des logements sociaux, Ian Brossat, adjoint PCF en charge du logement, s’est montré optimiste. « Nous faisons souvent une expérience paradoxale. Nous rencontrons des oppositions fortes au départ, mais, une fois les locataires installés, la cohabitation se passe bien et les a priori finissent par tomber. » À l’image du tollé déclenché par le projet de centre d’hébergement pour personnes à la rue, installé aux abords du bois de Boulogne, la décision de créer des appartements HLM dans deux immeubles années 1930 de ce quartier cossu n’a pas été sans soulever de résistances. Dès le vote du Conseil de Paris, autorisant en septembre 2015 à vendre à un bailleur social ces logements appartenant au domaine privé de la ville, les syndics des deux copropriétés concernées ont lancé une guérilla juridique. Chacun a attaqué la décision du Conseil, l’un au tribunal administratif, l’autre au tribunal de grande instance. Contestation du choix municipal de céder les logements évalués à 7 500 euros le m2 au prix de 3 500 euros le m2, mise en avant du règlement de copropriété qui précise le caractère « bourgeois » de l’immeuble, évocation des risques de « dégradation des conditions de vie » : au fil des appels et contre-appels, les syndics ont fait valoir tous les arguments possibles pour tenter d’empêcher l’opération. Sans succès. Le 23 novembre dernier, la Cour de cassation, dernière instance judiciaire dont la mission est de veiller à la bonne application de la loi, a rejeté l’ultime pourvoi des copropriétaires, ouvrant la voie à la réalisation du projet.

éviter les ghettos… de pauvres, comme de riches

Balcon filant avec vue dégagée sur l’hippodrome d’Auteuil, hauteur sous plafond, grande terrasse de 45 m2 : l’appartement de l’avenue du Maréchal-Lyautey est un des fleurons de l’opération. Une fois rénovés, ses 84 m2 seront loués pour 614 euros, auxquels il faudra ajouter 226 euros de charges, élevées dans cet immeuble avec concierge, tapis rouge et cage d’ascenseur en fer forgé. « Sur les 46 logements, 27 seront en Plai, le type de HLM le moins cher, et les 19 autres en Plus. Aucun en PLS, la catégorie la plus chère des HLM », explique Valérie de Brem, directrice générale d’Elogie-Siemp, le bailleur social choisi en raison de son expérience dans la gestion de logements sociaux au sein de copropriétés privées. Pour l’heure, seuls 21 appartements sont disponibles. Bénéficiant d’un droit au maintien dans les lieux, les locataires des autres garderont leurs loyers actuels jusqu’à leur départ, la Siemp proposant même une réduction à ceux dont les revenus sont inférieurs aux plafonds HLM.
« La décision de la Cour de cassation a ouvert la voie, commente Ian Brossat. Si elle avait invalidé l’opération, cela aurait créé un précédent. » C’est que la Mairie de Paris n’a pas l’intention de faire marche arrière. Pour préserver la mixité sociale dans cette ville parmi les plus chères du monde, l’objectif est de se doter de 30 % de logements sociaux d’ici à 2030. « Mais il s’agit aussi de rééquilibrer entre les quartiers de l’Est, qui ont jusqu’à 35 % de HLM, et des arrondissements comme le 16e, qui n’en abrite que 2 % », explique encore Ian Brossat. Ces opérations réalisées en secteur diffus ont un autre avantage. Elles évitent les ghettos… de pauvres, comme de riches.

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