dimanche 28 janvier 2018

Ethique en politique. Les frères Bocquet récompensés par l’association Anticor

Le sénateur et l’ancien député PCF ont reçu le prix du « combat pour l’égalité des citoyens devant l’impôt », vendredi 26 janvier à Paris, au cour d’une soirée dédiée à la lutte contre la fraude, l’immoralité et la corruption.
Les élus communistes Alain et Eric Bocquet ont reçu vendredi 26 janvier le prix Anticor de l’éthique, venant récompenser leur « combat pour l’égalité des citoyens devant l’impôt ». « Il y a eu unanimité pour vous remettre ce prix afin de saluer votre combat contre la fraude fiscale », a lancé Lionel Bretonnet, administrateur d’Anticor, association fondée en 2002 pour lutter contre la corruption. L’apport des travaux parlementaires des deux frères (Alain a été député jusqu’en 2017, Eric est toujours sénateur), et de leur ouvrage Sans domicile fisc, pour dénoncer le fléau de la fraude fiscale a été souligné par les organisateurs. « Après 3000 pages de rapports, on a voulu rendre cette question accessible à tous, de façon pédagogique et didactique », a précisé Alain Bocquet, en recevant un petit buste blanc de Marianne en guise de trophée.
 
« On continue notre tournée, sans paillette, partout en France autour du livre, a raconté Eric Bocquet. Il est primordial de sonner l’alerte. La fraude fiscale coûte 80 milliards d’euros par an à la France, soit plus que son déficit, au nom duquel on nous impose une austérité qui mine partout notre société ». L’action déterminée des deux élus pour supprimer le verrou de Bercy (qui place le ministre du Budget au dessus de la justice en matière de poursuites contre la fraude fiscale), leur proposition de COP de la finance mondiale et de la fiscalité, ou encore leur volonté d’ajouter des normes fiscales obligatoires dans l’attribution de marchés publics ont aussi été vivement appréciées par Anticor.
 
« Après 39 ans à l’Assemblée nationale, je peux vous dire que la finance a pris le pouvoir mondialement. Si l’on en fait pas une affaire citoyenne, on arrivera pas à gagner ce combat », a prévenu Alain Bocquet. Le livre, dédié à leurs petits enfants, appelle à ne pas leur laisser « un monde en putréfaction ». S’il considère que le chemin est encore long (« On se retrouve un peu comme une poule qui a trouvé un couteau »), l’ancien député ne manque pas d’idées et a proposé d’accueillir un contre sommet de Davos sur le site minier d’Arenberg, à Wallers (Nord), là où se situe le siège de la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut, qu’il préside. « Ce sera là-haut dans les cimes blanches contre chez nous dans le trou noir », a-t-il plaisanté.
 
Plusieurs autres personnes ont été récompensées par Anticor, vendredi soir à la Maison de l’Amérique latine, à Paris. « Un anticorps est une protéine indispensable au système immunitaire. De la même manière, les personnes reçues ce soir sont des garde-fous nécessaires pour que la République tiennent debout », a lancée en introduction Marie-Claire Neveu, qui a présenté l’événement. « Nous sommes connus pour nos plaintes, nos recours en justice, mais nous aimons aussi mettre en lumière, reconnaître des comportements particulièrement vertueux. Nos récipiendaires donnent le goût de la République et tentent de la relever », a ajouté Jean-Christophe Picard, président d’Anticor.
 
Le lanceur d’alerte Alain Gautier a reçu le prix du « courage face aux procédures baillons », pour avoir fait face aux 12 procédures lancées contre lui par l’entreprise Vortex. Celui qui a dénoncé les agissements (fraude, maltraitance, travail dissimulé, surfacturation) de cette société chargée du transport public d’enfants handicapés dans plus de 70 départements à notamment salué le travail de Laurence Mauriaucourt dans l’Humanité, qui a participé à rendre public ce scandale (https://www.humanite.fr/le-requin-vortex-croque-le-transport-public-des-...).
 
Le prix de la « recherche sur la corruption » a été attribué à Adrien Roux. Le chercheur, auteur d’une thèse sur la corruption, a signalé qu’il n’existe aucun centre de recherches sur la corruption en France, quand c’est par exemple le cas en Italie, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. « J’ai été surpris des embuches inattendues et des difficultés rencontrées lors de ma thèse, alors que je ne suis ni lanceur d’alerte, ni journaliste, ni juge », a-t-il commenté, se désolant également de l’actuelle « hypocrisie du droit » dans notre pays, alors même que « l’honneur du droit est de permettre que les rapports sociaux ne soient pas que des rapports de force ».
 
Le site internet d’informations Médiacités, spécialisé dans l’investigation à l’échelle locale, a reçu le prix du « contre-pouvoir contre les féodalités locales ». « On a choisi l’investigation locale, très peu usitée, très peu pratiquée, car le local est un peu l’école de la corruption », a indiqué Jacques Trentesaux, directeur de la publication.
 
La journaliste Stéphanie Fontaine, membre du collectif Extra-Muros, s’est vue décerner le prix de la « vérité sur le business du contrôle routier », pour son travail sur la privatisation des radars mobiles et véhicules banalisés.
 
Mathilde Mathieu, de Médiapart, a reçu le prix de la « révélation des mauvaises pratiques parlementaires ». « Les cas Fillon, Le Roux, Mercier, ne constituent pas des dérives individuelles. C’est un écosystème qu’il faut révolutionner », a-t-elle mesuré, avant de remercier le Canard enchaîné pour ses révélations, ainsi que tous les assistants parlementaires, élus et fonctionnaires du parlement qui ont été des sources tout au long de l’année.
 
Enfin, le collectif Regards citoyen a lui aussi été distingué, avec le prix du « numérique au service de la démocratie », pour son travail de simplification dans l’accès à des ressources publiques, dont la publication en Open Data des comptes des partis politiques et des comptes de campagne des candidats aux élections.
 
La soirée s’est achevée avec une casserole, décernée au sénateur LR François-Noël Buffet, qui a présenté un amendement visant à ce que le calcul de la durée de prescription concernant une infraction clandestine démarre dès qu’elle est commise plutôt qu’au moment où elle est découverte… Jean-Jacques Urvoas, ministre socialiste de la Justice au moment des faits, a lui aussi reçu une casserole pour avoir soutenu cet amendement, et activement participé à son adoption. La mise à disposition par ses soins, alors qu’il était garde des Sceaux, de documents couverts par le secret de l’instruction auprès de Thierry Solère lui a valu une deuxième casserole. Il n’en manquait plus qu’une pour répondre à la célèbre expression, et elle était toute trouvée : l’action d’Urvoas pour faire condamner pour « atteinte à la vie privée » un citoyen qui avait dénoncé le montage lui ayant permis de faire entrer, de façon légale mais à partir de deniers publics, sa permanence parlementaire dans son patrimoine personnel, lui a offert une troisième casserole.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire