Le
sénateur et l’ancien député PCF ont reçu le prix du « combat pour
l’égalité des citoyens devant l’impôt », vendredi 26 janvier à Paris, au
cour d’une soirée dédiée à la lutte contre la fraude, l’immoralité et
la corruption.
Les
élus communistes Alain et Eric Bocquet ont reçu vendredi 26 janvier le
prix Anticor de l’éthique, venant récompenser leur « combat pour
l’égalité des citoyens devant l’impôt ». « Il y a eu unanimité pour vous
remettre ce prix afin de saluer votre combat contre la fraude fiscale
», a lancé Lionel Bretonnet, administrateur d’Anticor, association
fondée en 2002 pour lutter contre la corruption. L’apport des travaux
parlementaires des deux frères (Alain a été député jusqu’en 2017, Eric
est toujours sénateur), et de leur ouvrage Sans domicile fisc, pour
dénoncer le fléau de la fraude fiscale a été souligné par les
organisateurs. « Après 3000 pages de rapports, on a voulu rendre cette
question accessible à tous, de façon pédagogique et didactique », a
précisé Alain Bocquet, en recevant un petit buste blanc de Marianne en
guise de trophée.
« On continue notre tournée, sans paillette, partout en France
autour du livre, a raconté Eric Bocquet. Il est primordial de sonner
l’alerte. La fraude fiscale coûte 80 milliards d’euros par an à la
France, soit plus que son déficit, au nom duquel on nous impose une
austérité qui mine partout notre société ». L’action déterminée des deux
élus pour supprimer le verrou de Bercy (qui place le ministre du Budget
au dessus de la justice en matière de poursuites contre la fraude
fiscale), leur proposition de COP de la finance mondiale et de la
fiscalité, ou encore leur volonté d’ajouter des normes fiscales
obligatoires dans l’attribution de marchés publics ont aussi été
vivement appréciées par Anticor.
« Après 39 ans à l’Assemblée nationale, je peux vous dire que la
finance a pris le pouvoir mondialement. Si l’on en fait pas une affaire
citoyenne, on arrivera pas à gagner ce combat », a prévenu Alain
Bocquet. Le livre, dédié à leurs petits enfants, appelle à ne pas leur
laisser « un monde en putréfaction ». S’il considère que le chemin est
encore long (« On se retrouve un peu comme une poule qui a trouvé un
couteau »), l’ancien député ne manque pas d’idées et a proposé
d’accueillir un contre sommet de Davos sur le site minier d’Arenberg, à
Wallers (Nord), là où se situe le siège de la communauté d’agglomération
de la Porte du Hainaut, qu’il préside. « Ce sera là-haut dans les cimes
blanches contre chez nous dans le trou noir », a-t-il plaisanté.
Plusieurs autres personnes ont été récompensées par Anticor,
vendredi soir à la Maison de l’Amérique latine, à Paris. « Un anticorps
est une protéine indispensable au système immunitaire. De la même
manière, les personnes reçues ce soir sont des garde-fous nécessaires
pour que la République tiennent debout », a lancée en introduction
Marie-Claire Neveu, qui a présenté l’événement. « Nous sommes connus
pour nos plaintes, nos recours en justice, mais nous aimons aussi mettre
en lumière, reconnaître des comportements particulièrement vertueux.
Nos récipiendaires donnent le goût de la République et tentent de la
relever », a ajouté Jean-Christophe Picard, président d’Anticor.
Le lanceur d’alerte Alain Gautier a reçu le prix du « courage face
aux procédures baillons », pour avoir fait face aux 12 procédures
lancées contre lui par l’entreprise Vortex. Celui qui a dénoncé les
agissements (fraude, maltraitance, travail dissimulé, surfacturation) de
cette société chargée du transport public d’enfants handicapés dans
plus de 70 départements à notamment salué le travail de Laurence
Mauriaucourt dans l’Humanité, qui a participé à rendre public ce
scandale (https://www.humanite.fr/le-requin-vortex-croque-le-transport-public-des-...).
Le prix de la « recherche sur la corruption » a été attribué à
Adrien Roux. Le chercheur, auteur d’une thèse sur la corruption, a
signalé qu’il n’existe aucun centre de recherches sur la corruption en
France, quand c’est par exemple le cas en Italie, au Royaume-Uni ou aux
Etats-Unis. « J’ai été surpris des embuches inattendues et des
difficultés rencontrées lors de ma thèse, alors que je ne suis ni
lanceur d’alerte, ni journaliste, ni juge », a-t-il commenté, se
désolant également de l’actuelle « hypocrisie du droit » dans notre
pays, alors même que « l’honneur du droit est de permettre que les
rapports sociaux ne soient pas que des rapports de force ».
Le site internet d’informations Médiacités, spécialisé dans
l’investigation à l’échelle locale, a reçu le prix du « contre-pouvoir
contre les féodalités locales ». « On a choisi l’investigation locale,
très peu usitée, très peu pratiquée, car le local est un peu l’école de
la corruption », a indiqué Jacques Trentesaux, directeur de la
publication.
La journaliste Stéphanie Fontaine, membre du collectif Extra-Muros,
s’est vue décerner le prix de la « vérité sur le business du contrôle
routier », pour son travail sur la privatisation des radars mobiles et
véhicules banalisés.
Mathilde Mathieu, de Médiapart, a reçu le prix de la « révélation
des mauvaises pratiques parlementaires ». « Les cas Fillon, Le Roux,
Mercier, ne constituent pas des dérives individuelles. C’est un
écosystème qu’il faut révolutionner », a-t-elle mesuré, avant de
remercier le Canard enchaîné pour ses révélations, ainsi que tous les
assistants parlementaires, élus et fonctionnaires du parlement qui ont
été des sources tout au long de l’année.
Enfin, le collectif Regards citoyen a lui aussi été distingué, avec
le prix du « numérique au service de la démocratie », pour son travail
de simplification dans l’accès à des ressources publiques, dont la
publication en Open Data des comptes des partis politiques et des
comptes de campagne des candidats aux élections.
La soirée s’est achevée avec une casserole, décernée au sénateur LR
François-Noël Buffet, qui a présenté un amendement visant à ce que le
calcul de la durée de prescription concernant une infraction clandestine
démarre dès qu’elle est commise plutôt qu’au moment où elle est
découverte… Jean-Jacques Urvoas, ministre socialiste de la Justice au
moment des faits, a lui aussi reçu une casserole pour avoir soutenu cet
amendement, et activement participé à son adoption. La mise à
disposition par ses soins, alors qu’il était garde des Sceaux, de
documents couverts par le secret de l’instruction auprès de Thierry
Solère lui a valu une deuxième casserole. Il n’en manquait plus qu’une
pour répondre à la célèbre expression, et elle était toute trouvée :
l’action d’Urvoas pour faire condamner pour « atteinte à la vie privée »
un citoyen qui avait dénoncé le montage lui ayant permis de faire
entrer, de façon légale mais à partir de deniers publics, sa permanence
parlementaire dans son patrimoine personnel, lui a offert une troisième
casserole.
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