mardi 25 décembre 2018

HABITAT. LE LOGEMENT, GRAND ABSENT DES MESURES MACRON

Dans ses promesses sur le pouvoir d’achat, le président n’a rien annoncé sur ce qui est devenu le premier poste de dépenses des ménages. Sa politique aggrave même la situation.
Rien. Un silence assourdissant. Dans son allocution, la semaine dernière, pour répondre à la colère des gilets jaunes, le président Macron n’a pas dit un mot sur le logement. Et pourtant, il s’agit tout simplement du premier poste de dépenses des ménages. Celui qui a participé le plus, ces dernières années, à plomber leur pouvoir d’achat. « C’est aberrant de ne rien annoncer là-dessus alors que les Français consacrent en moyenne plus de 18 % de leur revenu au logement », souligne Ian Brossat, candidat PCF aux européennes et en charge du logement à la Mairie de Paris.
La facture s’est considérablement alourdie en deux décennies. Avant tout, en raison de l’explosion des loyers (+ 50 % entre 2000 et 2015) et des charges. Selon une étude du Crédoc, le logement représente aujourd’hui 23 % des dépenses contraintes (contre 10 % en 2010) qui ont, elles-mêmes, doublé depuis les années 1960, passant de 12 % du budget des ménages à 30 % en 2017… De quoi grignoter le pouvoir d’achat des Français. Et notamment celui des catégories les plus modestes. Le logement représente ainsi 30 % des dépenses des ménages gagnant moins de 1 300 euros par mois, mais seulement 10 % pour ceux au-dessus des 4 200 euros mensuels.

« Le logement utilisé comme une variable d’ajustement budgétaire »

Or, de ce constat, Emmanuel Macron n’en a pipé mot. Pis : sa politique aggrave clairement la situation. « Non seulement le président n’en a rien dit, mais, depuis qu’il est à l’Élysée, le logement a été utilisé comme une variable d’ajustement budgétaire », déplore Ian Brossat. En tout, l’État devrait faire 4 milliards d’économies en 2020 sur le secteur, selon un calcul de la Fondation Abbé-Pierre (FAP). Principal outil de solvabilisation des ménages modestes, les aides au logement (APL) ont concentré l’essentiel des attaques. Après leur réduction de 5 euros à l’été 2017, contribuant à forger l’image de « Macron, président des riches », le gouvernement a gelé leur montant en 2018. Pour 2019, ces APL, comme les autres minima sociaux, ont été désindexés : leur augmentation va être inférieure à celle de l’inflation (0,3 % contre près de 2 %).

Parmi les plus pénalisés, ceux dont le parcours est chaotique

Dernier traquenard en date, la modification de leur mode de calcul. Le gouvernement appelle ça la « contemporanéité ». Désormais, les montants des APL seront estimés à partir des revenus de l’année, actualisés régulièrement, au lieu de l’être sur ceux des deux années antérieures. Sous un apparent bon sens, cette mesure est surtout destinée, comme ne l’a pas caché le ministère du Logement, à faire au moins 1,2 milliard d’économies. Et donc des perdants. Beaucoup de perdants. Une étude de la caisse d’allocations familiales, citée par le Canard enchaîné, révèle que 1,2 million d’allocataires devraient ainsi perdre tout ou partie de leurs APL.
Parmi les plus pénalisés, ceux dont le parcours est chaotique, fait de périodes d’emploi irrégulières et mal rémunérées, les jeunes, qui démarrent leur insertion dans la vie professionnelle, enchaînent les missions courtes et seront particulièrement touchés. « La première année de travail après les études, l’APL joue un rôle de stabilisateur et de filet de sécurité. Il est très inquiétant qu’elle disparaisse pour ce public-là », souligne Claude Garcera, président de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj), qui demande un moratoire sur l’application de la mesure aux moins de 25 ans.
Le gouvernement s’en est aussi pris aux deux systèmes qui permettent de contenir les prix élevés du marché : le logement social, auquel il a ponctionné 800 millions d’euros par an ces deux dernières années et prévoit de monter à 1,5 milliard en 2020, et l’encadrement des loyers, qu’il s’est contenté d’autoriser à titre expérimental dans les localités volontaires. « Le gouvernement n’a pas de volonté de mettre au point un système qui puisse réguler les loyers, au moins les plus abusifs du secteur privé, pour réduire les dépenses de logement des ménages, constate Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Pourtant, si on veut limiter l’étalement urbain et donc les dépenses de transport et leur coût environnemental, il faut limiter le prix des loyers dans les centres-villes. »
À la frontière entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux, la précarité énergétique des logements est l’autre parent pauvre de la politique gouvernementale. Entre la baisse des revenus, la hausse des prix de l’énergie et les passoires énergétiques, le problème affecte 13 millions de personnes, rappelle la Fondation Abbé-Pierre. Dans ces différents discours, le président Macron s’est contenté d’annoncer une concertation sur la transition énergétique et a fini par renoncer à supprimer le crédit impôt pour les doubles vitrages. Alors que la loi de 2015 prévoyait 500 000 rénovations thermiques par an, dont 200 000 pour les plus modestes, les budgets ont été coupés. « On veut rénover 500 000 passoires thermiques par an, or, on a baissé de moitié les moyens pour réhabiliter ces bâtiments », avait déjà constaté Nicolas Hulot, fin août, en annonçant sa démission du ministère de l’Écologie. « La rénovation thermique est pourtant essentielle, rappelle Christophe Robert, délégué général de la FAP. Le bâtiment est le secteur qui émet le plus de CO2, mais elle permet des gains considérables en matière de pouvoir d’achat. » Les rénovations globales effectuées par la FAP ont ainsi permis à des ménages pauvres de faire jusqu’à 900 euros d’économies par an.
Malgré son importance, le logement est resté en marge des revendications des gilets jaunes. En dehors de quelques allusions à la baisse de 5 euros des APL sur les slogans des manifestants ou de la mention zéro SDF sur les listes des revendications, le thème n’est pas parvenu à se hisser sur le devant de la scène. « C’est malheureusement quelque chose d’habituel. Le logement est un sujet très technique, difficile à saisir et beaucoup de décisions prises, comme celle de faire payer aux HLM la baisse des APL des locataires du logement social, n’auront de répercussions que dans plusieurs années. Du coup, c’est compliqué d’avoir des revendications et des réponses immédiates », se désole Christophe Robert.
Alors que la crise du logement touche tout le monde, des petites classes moyennes qui assistent aux difficultés d’accès au logement de leurs enfants jusqu’aux bénéficiaires des minima sociaux, le risque existe que se creuse l’opposition, soigneusement entretenue par le gouvernement et certains partis, entre la France méritante des gilets jaunes et celle des plus pauvres présentés comme assistés. C’est pourtant l’ensemble des Français qui auraient à bénéficier d’une refonte globale de la politique du logement qui ferait, enfin, du droit à être logé dans de bonnes conditions une priorité pour tous.

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