samedi 1 décembre 2018

UNION EUROPÉENNE. LA GRÈCE EN GRÈVE N’EN PEUT PLUS DE L’AUSTÉRITÉ

À l’appel du syndicat du secteur privé, les salariés ont cessé le travail, hier. Ils exigent que le gouvernement Tsipras rompe plus nettement avec les coupes budgétaires.
Les journalistes ont ouvert la marche dès mardi, histoire de ne pas laisser sortir les quotidiens le jour de la grève générale, ce mercredi, en Grèce. Une quinzaine de jours après une première mobilisation réussie dans le secteur public, ce sont les salariés du privé qui entrent dans la danse, rassemblés par dizaines de milliers dans des cortèges différents, à l’appel de leur confédération (GSEE), mais aussi du front syndical (Pame) organisé autour du Parti communiste grec (KKE), alors que le pays est sorti officiellement des programmes d’austérité à l’été dernier, mais qu’en vérité tout est loin d’être réglé… « Les problèmes persistent après tant d’années de crise, les solutions ne sont pas en faveur des salariés, regrette une ingénieure interrogée dans les cortèges par l’AFP. Nous travaillons avec des contrats d’une durée de deux ou trois mois renouvelables alors que nous remplissons des besoins à long terme, nous luttons pour des CDI. »

Augmenter les salaires

Pendant une journée, la Grèce s’est arrêtée. Pas de trains, peu de transports en commun, pas de bateaux reliant le Pirée aux îles de la mer Égée. Au cœur de leurs revendications, les syndicats ont placé les salaires. Selon un rapport récent de l’Organisation internationale du travail (OIT), ils ont subi « une réduction annuelle de 3,1 % en moyenne pendant la décennie 2008-2017 ». Directement ciblé par la troïka – Commission européenne, Fonds monétaire international (FMI) et Banque centrale européenne (BCE) – qui, au nom de la « crise » de la dette publique, a dicté des politiques extrêmement délétères, le salaire minimum est descendu, sous l’effet des mémorandums austéritaires, sous le plancher des 500 euros mensuels et a légèrement remonté aujourd’hui à 586 euros. Dans sa plateforme, la GSEE réclame son retour au niveau d’avant la troïka, soit 751 euros par mois. « Les politiques gouvernementales douloureuses ont conduit à une impasse, il faut mettre fin définitivement à cette politique d’austérité punitive, exige l’organisation syndicale des travailleurs du privé. Les salariés réclament des conventions collectives, de l’emploi pour tout le monde, un système de sécurité sociale viable, sans coupes dans les retraites et les prestations. » Via une déclaration à l’agence de presse Reuters, Nikos Kioutsoukis, le secrétaire général de la GSEE, dénonce un « nouveau budget d’austérité et de surtaxation qui ne rétablit pas le système de négociation collective ».
Pour les syndicats, le premier budget présenté par Alexis Tsipras sans la tutelle directe, et surtout la férule, des créanciers ne rompt pas assez avec les précédents, qui ont tiré les Grecs dans la spirale de la pauvreté. Malgré la sortie du dernier mémorandum, en août, le gouvernement de coalition, mené par Syriza, est toujours tenu de respecter de nombreuses consignes dictées par Bruxelles ou Francfort : il doit, par exemple, dégager un excédent primaire budgétaire élevé, hors service de la dette, de 3,5 % jusqu’en 2022. Ce qui limite immanquablement ses marges de manœuvre.

Des mesures pour les plus pauvres

Tsipras est tout de même parvenu à empêcher de nouvelles coupes dans les retraites, un temps demandées par les créanciers, et à mettre en place un « dividende social » ainsi que d’autres mesures destinées à aider directement les plus appauvris des Grecs, pour un montant total avoisinant les 4 milliards d’euros. Le gouvernement grec entend également doubler l’allocation logement et réduire la taxe foncière unique. De quoi faire hurler l’opposition de droite, la Nouvelle Démocratie (ND), qui qualifie ce budget de « préélectoral et anti-croissance ».
Révélatrice des difficultés dans lesquelles Alexis Tsipras continue de se débattre, la question du salaire minimum alimente les passions. Toutes les décisions à ce sujet ont été renvoyées au début de l’année prochaine, mais les débats sont vifs au sein de l’organisme paritaire censé faire des propositions en la matière. À ce stade des discussions, le montant de l’augmentation du salaire minimum est fixé dans un grand écart entre 2 % et 10 %. Dans le scénario le plus favorable aux travailleurs, + 10 %, il serait porté à 645 euros en 2019. Mais la Commission européenne veille : dans son premier rapport de surveillance post-mémorandum, elle recommande ainsi au gouvernement grec d’aligner strictement la hausse du salaire minimum sur celle de la productivité, soit une augmentation de 2 % à 3 % maximum ! À ce rythme-là, les salariés grecs ne sont pas près de sortir de la misère.

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