rappel des faits Derrière la publicité actuelle de Marseille se cache un fait terrible et têtu : la ville continue de tomber. Quatre personnalités réagissent.
Yohanne Lamoulère Photographe, membre du collectif Tendance floue
Manu Théron Chanteur occitan de la Plaine (Marseille)
Michel Peraldi Sociologue et anthropologue
Philippe Pujol Journaliste, écrivain, scénariste, Prix Albert-Londres
Yohanne Lamoulère Photographe, membre du collectif Tendance floue
Manu Théron Chanteur occitan de la Plaine (Marseille)
Michel Peraldi Sociologue et anthropologue
Philippe Pujol Journaliste, écrivain, scénariste, Prix Albert-Londres
DEMAIN C’est là
Yohanne Lamoulère
Photographe, membre du collectif Tendance floue
C’est une question qui fait habituellement sourire. Mais, aujourd’hui, on n’a plus envie de rire. Le tableau clinique alarmant de la cité phocéenne n’est autre que le résultat d’une gouvernance désastreuse et cynique depuis des décennies. Pourtant, cette ville est belle, toute la tristesse est là. Comment une ville si fière a-t-elle pu se laisser brutaliser sans réagir ? Cela prend des allures de violence domestique, avec cette nouvelle date : le 5 novembre 2018. Il reste une petite marche avant la catastrophe, nous sommes dans la phase de l’effondrement, la ville s’écroule, et le réveil, comme après un match de boxe passé dans les cordes, est assommant. On évacue les Marseillais vers les faubourgs où Gaudin a toujours voulu les reléguer. Mais cette fois le peuple n’est pas dupe. Parallèlement à cet effondrement, il y a l’effet cascade de toutes ces politiques iniques que les Marseillais ont subies : les écoles délabrées, la régie irrationnelle des transports en commun, le scandale des partenariats public-privé, Euroméditerranée, le chantier de rénovation de la Plaine, le choix du « croisiérisme », la privatisation de l’espace commun, littoral en particulier, une gentrification saillante et, enfin, dans ce catalogue morbide caractérisé par un fossé social abyssal, des classes aisées qui se réfugient derrière de hauts murs, oublieux d’une population dont on a pensé que l’OM suffirait à la réchauffer. Au-delà du problème de classe, qui n’est pas propre à Marseille, c’est la politique volontariste de la mairie, qui a depuis plusieurs années accentué une violence d’État systémique. Une grande partie des Marseillais est certaine aujourd’hui qu’on laisse les immeubles s’effondrer sans la moindre vergogne. Et c’est ainsi que la métropole a savamment organisé une politique d’abandon afin d’expulser une partie de sa population, qu’elle considère socialement illégitime. La mairie indique que la ville est malade, pauvre, qu’elle doit changer, tout en entretenant cet état de délabrement généralisé. Finalement, que nous sommes affreux, sales et méchants, et le maire de nous expliquer que nous devons changer, que nous sommes individuellement responsables de son impéritie politique. Il faut lire la Ville sans nom. Marseille dans la bouche de ceux qui l’assassinent, de Bruno Le Dantec, c’est édifiant. Les décideurs ont toujours rêvé d’une ville plus blanche et plus friquée. Ces textes effrayants nous rappellent également que nous ne sommes pas dans une période particulière, accidentelle mais pris dans un geste cynique et structuré. Ce qui change cette fois, c’est que la mort s’invite dans la politique urbaine, et cette irruption génère un sursaut de la population et devrait signer l’arrêt de mort d’une gestion politique calamiteuse. Notre chance, et c’est cruel de le formuler ainsi, est que ce soit le cœur de ville qui s’effondre. La chute du parc Corot n’aurait peut-être pas eu le même retentissement médiatique. La fameuse fracture Nord-Sud implose, qu’importe le quartier d’où nous venons, la ville a aussi cette force de pouvoir nous réunir en son sein, et nous sommes nous aussi ses enfants, n’en déplaise à certains. Marseille, contrastée et mouvante, méditerranéenne, est l’avenir du pays, en ce sens qu’elle rassemble tous les enjeux du siècle naissant, et je pense que, si elle s’en sort, l’Europe pourra encore nourrir quelques utopies. Si elle sombre, ce n’est pas Marseille, mais c’est tout un pays qui est condamné. Il ne tient qu’à nous d’écrire la chronique d’un réveil espéré.
LES USURIERS DE DICKENs
Manu Théron
Chanteur occitan de la Plaine (Marseille)
Qui peut dire ce qui s’est passé rue d’Aubagne, sinon celles et ceux qui, de tout leur cœur et dans leur chair, réclament justice ?
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