Le directeur de l’Humanité,
Patrick Le Hyaric, a rencontré l’ancienne candidate communiste à la
vice-présidence du Brésil, Manuela d’Avila, qui s’est rendue au
Parlement européen. Entretien.
Lors
de l’élection présidentielle d’octobre dernier, Manuela d’Avila a été
colistière, au poste de vice-présidente, avec Fernando Haddad, candidat
pour le Parti des travailleurs, le parti de Lula da Silva. Le duo est
arrivé en seconde position au premier tour de la présidentielle avec
29,28 % des voix, et 44,87 % au second tour, derrière le candidat de
l’extrême droite Jair Bolsonaro. Patrick Le Hyaric, directeur de
l’Humanité, a interviewé Manuela d’Avila le 11 décembre au Parlement
européen.
Dans quelques jours, Jair Bolsonaro sera
investi président de la République du Brésil. Quelle est votre
appréciation sur la situation générale et sur l’état de l’opinion dans
votre pays ?
Manuela d’Avila Jair
Bolsonaro est en train d’utiliser les vieilles méthodes pour composer
son gouvernement. Il choisit les personnes qui lui sont proches. La
moitié des ministres seront des militaires. Et il transmet à la
population le message que l’armée fera quelque chose pour rétablir
l’ordre dans le pays. De plus, au poste de ministre de la Justice, il a
nommé Sergio Moro, le juge fédéral qui a arrêté Lula. Bolsonaro fait en
sorte que ses électeurs, qui étaient contre la gauche, se sentent très
unis.
Il est de plus en plus clair qu’il va composer un
gouvernement avec des gens qui défendent la violence comme méthode
politique. C’est tout à fait nouveau au Brésil. Le président n’essaie
pas de calmer les gens. Au contraire, il cherche à renforcer les
divisions. Il fait face, en ce moment, à une affaire de corruption.
Lui-même et son entourage sont concernés. Cela provient du fait de la
fragilité du gouvernement, des contradictions en son sein. Ils ont
besoin de quelque chose qui maintienne l’unité. Et ce qui leur permet
d’être unis, c’est la haine des communistes.
Par
exemple, Bolsonaro dit que le Brésil a un problème d’éducation. Mais,
selon lui, cela vient du fait que les professeurs endoctrinent les
élèves avec des messages de gauche. Comme en Turquie, Bolsonaro demande
aux enfants de prendre leur téléphone portable et de filmer les
professeurs pendant les cours. Il dit qu’il y a une crise dans
l’éducation – ce qui est réel –, mais refuse catégoriquement d’augmenter
le budget qui lui est alloué. Il dit vouloir arrêter 100 000 militants
de gauche, prétendant qu’il s’agit d’organisations criminelles. Mais
l’on ne sait pas s’il va le faire.
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