vendredi 21 décembre 2018

Brésil. Manuela d’Avila : « Les discours de haine peuvent finir en tragédie »

Le directeur de l’Humanité, Patrick Le Hyaric, a rencontré l’ancienne candidate communiste à la vice-présidence du Brésil, Manuela d’Avila, qui s’est rendue au Parlement européen. Entretien.
Lors de l’élection présidentielle d’octobre dernier, Manuela d’Avila a été colistière, au poste de vice-présidente, avec Fernando Haddad, candidat pour le Parti des travailleurs, le parti de Lula da Silva. Le duo est arrivé en seconde position au premier tour de la présidentielle avec 29,28 % des voix, et 44,87 % au second tour, derrière le candidat de l’extrême droite Jair Bolsonaro. Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, a interviewé Manuela d’Avila le 11 décembre au Parlement européen.
Dans quelques jours, Jair Bolsonaro sera investi président de la République du Brésil. Quelle est votre appréciation sur la situation générale et sur l’état de l’opinion dans votre pays ?
Manuela d’Avila Jair Bolsonaro est en train d’utiliser les vieilles méthodes pour composer son gouvernement. Il choisit les personnes qui lui sont proches. La moitié des ministres seront des militaires. Et il transmet à la population le message que l’armée fera quelque chose pour rétablir l’ordre dans le pays. De plus, au poste de ministre de la Justice, il a nommé Sergio Moro, le juge fédéral qui a arrêté Lula. Bolsonaro fait en sorte que ses électeurs, qui étaient contre la gauche, se sentent très unis.
Il est de plus en plus clair qu’il va composer un gouvernement avec des gens qui défendent la violence comme méthode politique. C’est tout à fait nouveau au Brésil. Le président n’essaie pas de calmer les gens. Au contraire, il cherche à renforcer les divisions. Il fait face, en ce moment, à une affaire de corruption. Lui-même et son entourage sont concernés. Cela provient du fait de la fragilité du gouvernement, des contradictions en son sein. Ils ont besoin de quelque chose qui maintienne l’unité. Et ce qui leur permet d’être unis, c’est la haine des communistes.
Par exemple, Bolsonaro dit que le Brésil a un problème d’éducation. Mais, selon lui, cela vient du fait que les professeurs endoctrinent les élèves avec des messages de gauche. Comme en Turquie, Bolsonaro demande aux enfants de prendre leur téléphone portable et de filmer les professeurs pendant les cours. Il dit qu’il y a une crise dans l’éducation – ce qui est réel –, mais refuse catégoriquement d’augmenter le budget qui lui est alloué. Il dit vouloir arrêter 100 000 militants de gauche, prétendant qu’il s’agit d’organisations criminelles. Mais l’on ne sait pas s’il va le faire.

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