Renforcés
par les cahiers de doléances, les élus des campagnes deviennent des
acteurs incontournables pour relayer les aspirations citoyennes.
Certains
d’entre eux, sentant gronder la colère dans leur commune, avaient déjà
alerté dès le début de l’automne. Comme l’Association des maires ruraux
d’Ille-et-Vilaine, qui soulignait, le 8 octobre, dans un communiqué, que
les ruraux, « contraints d’utiliser leur véhicule dans le cadre de
leurs activités professionnelles, mais aussi des activités des enfants
et de l’éloignement des services publics », allaient voir leur pouvoir
d’achat directement amputé par l’augmentation du prix du carburant. Au
plus proche des habitants, pour qui ils sont souvent « des
interlocuteurs de confiance », les maires ruraux pour-suivent leur rôle
de relais de la parole citoyenne.
« Faciliter l’expression de celles et ceux qui sont empêchés »
C’est ainsi que, depuis le 8 décembre, plusieurs mairies
ouvrent leur portes pour recueillir « doléances et propositions ». Pour
l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et l’Association des
petites villes de France (APVF), l’objectif est aussi de « faciliter
l’expression de celles et ceux qui sont empêchés (exclusion numérique,
analphabétisme…) ». Les bons vieux cahiers ont donc fait leur retour sur
les guichets des mairies derrière lesquels les agents municipaux se
mettent à la disposition des citoyens. C’est le cas à Clion-sur-Indre
(Indre). Dans cette commune berrichonne, les habitants peuvent formuler
leurs aspirations par écrit ou oralement. La mairie s’engage ensuite à
les transmettre pour en réaliser une synthèse départementale qui sera
diffusée au gouvernement, au Parlement et aux médias. « Il y a un
malaise profond », juge le maire Williams Lauerière, qui dit comprendre
le mouvement en s’estimant face à une Cocotte-Minute. « Ici, beaucoup
d’agriculteurs se plaignent de travailler beaucoup et de ne pas être
rémunérés en conséquence. Il faut les comprendre, ils voient des gens
aux minima sociaux qui gagnent parfois autant qu’eux ! » assène le maire
de droite. Ici, la colère n’est pas moins protéiforme qu’ailleurs et ne
prend pas toujours pour cible les profits des plus riches, pourtant à
l’origine de la crise. Parmi celles et ceux qui n’écriront pas sur les
cahiers de doléances, les veuves de paysans, dont la retraite plafonne
parfois à 500 euros. Celles-ci, qui bénéficient du soutien discret de la
municipalité, font pourtant « partie de ceux qui souffrent », relève le
maire.
En Dordogne, les maires ruraux ont été nombreux à ouvrir
des cahiers de doléances. « Une centaine de communes les ont mis en
place. Les remontées collent parfaitement aux revendications des gilets
jaunes », rapporte Alain Castang, président de l’Association des maires
ruraux du département. Ce maire de Rouffignac-de-Sigoulès soutient « à
fond » le mouvement. Il n’a pas été surpris de constater son ampleur : «
Bien avant les gilets jaunes, on sentait, dans nos campagnes, monter le
ras-le-bol de tous ces citoyens qui n’y arrivent plus. » Pour le
directeur de l’AMRF, Cédric Szabo, l’initiative a permis à de nombreux
citoyens de dire « j’existe ». Notamment aux très nombreuses personnes
dans les campagnes qui ne se sont pas rendues sur les ronds-points.
Parmi les cahiers déjà remontés, la question de l’urgence territoriale
surgit majoritairement du lot des revendications. Le volet «
propositions » représente quant à lui « un vivier considérable », pour
l’AMRF, qui dit jouir d’une écoute bien plus attentive depuis quelques
semaines de la part de l’exécutif. La synthèse des cahiers de doléances
devrait être connue dans le week-end.
Olivier Morin avec Pierre Duquesne
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