samedi 29 décembre 2018

Ces petites victoires qui contribuent à améliorer les fins de mois et à retarder la fin du monde

Si, si, des luttes sociales et écologistes remportent des succès ! Forêt sauvée, salaires augmentés, projet d’autoroute annulé... Passage en revue de ces mobilisations que les journalistes de Basta ! ont accompagnées pour vous les raconter, et qui ont contribué à améliorer les fins de mois, ou retardé l’échéance de la fin du monde.
Mouvements sociaux, grèves, revendications, « zone à défendre »… Ces mobilisations ne se contentent pas de « contester » et n’incarnent pas seulement une « grogne » – terme à la mode chez les commentateurs télévisés. Elles proposent, et arrivent même à changer concrètement la vie des gens, sur le court comme sur le moyen terme. Passage en revue de certaines de ces mobilisations gagnantes, que Basta ! a pu accompagner ces derniers mois.

Une autoroute en moins, au profit d’un renforcement du service ferroviaire

Des fermes détruites, une biodiversité menacée, des terres arables livrées au béton : telles étaient les conséquences attendues du projet d’autoroute A45, entre Lyon et Saint-Étienne. Le projet, relancé en 2016 par le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), devait venir doubler une autoroute existante... La concession devait revenir à Vinci – l’entreprise en charge de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, lui aussi abandonné un an plus tôt. C’était sans compter la coordination des opposants à l’A45, qui s’est constituée dès l’automne 2016, avec des paysans, des naturalistes et des habitants des territoires concernés.
En juillet 2016, Basta ! publie une première enquête sur le sujet, puis relaie régulièrement les initiatives de la coordination. A l’été 2017, cette dernière mobilise 10 000 personnes contre le projet autoroutier. Trois mois plus tard, celui-ci est abandonné. « Si ce projet était simple et consensuel, l’autoroute A45 serait réalisée depuis longtemps. On ne peut pas ignorer le prélèvement de terres agricoles, l’impact environnemental », explique la ministre des Transports Élisabeth Borne.
L’enveloppe budgétaire prévue par l’État pour l’A45 servira finalement à renforcer l’offre ferroviaire entre Lyon et Saint-Étienne, avec notamment la création de nouvelles haltes. C’est exactement ce que demandait la coordination dans ses propositions d’alternatives à l’autoroute. La région Auvergne Rhône-Alpes, le département de la Loire et la ville de Saint-Étienne, tous à majorité LR, ont cependant déposé un recours auprès du Conseil d’État.

Une forêt millénaire préservée, 450 millions de tonnes de CO2 épargnées

En Allemagne, à Hambach, les mobilisations écologistes sont parvenues à sauver de la destruction programmée une forêt millénaire de 4200 ha. Le bois se trouve à deux pas d’une immense mine de charbon à ciel ouvert exploitée par le groupe allemand RWE, qui souhaitait agrandir l’exploitation, et pour cela raser la forêt. Ici aussi, c’était sans compter la création d’une « zone à défendre » (Zad), avec ses cabanes perchées dans les arbres. Dès 2015, Basta ! réalise un reportage sur les dévastations provoquées par l’extension des mines de charbon. Ce combustible est, de surcroît, la source d’énergie qui émet le plus de gaz à effet de serre et déstabilise fortement le climat.

En décembre 2017, nous publiions également une enquête montrant que des investissements publics français, en particulier via le fonds de réserve pour les retraites – alimentées par les cotisations payées par l’ensemble des salariés – contribuent au financement du projet d’agrandissement de la mine. A l’automne 2018, nous nous rendions sur place pour vous raconter l’importante mobilisation pour protéger la forêt.
Depuis, un tribunal allemand a ordonné l’arrêt des travaux de destruction suite à une plainte déposée par l’association environnementale Bund, la branche allemande des Amis de la terre. La forêt est pour l’instant préservée. Et le mouvement allemand pour une sortie rapide du charbon est toujours très actif. Si le projet d’agrandissement minier venait cependant à se réaliser, 450 millions de tonnes de CO2 supplémentaires seront émises dans l’atmosphère pendant les 25 prochaines années, par le fait de brûler le charbon extrait. Soit l’équivalent de ce qu’émet un pays comme le Royaume-Uni en une année.

Une ferme pionnière en agroécologie temporairement sauvée

La ferme expérimentale de la Durette, près d’Avignon (Vaucluse), spécialisée en agroécologie était menacée par une décision de la majorité départementale (Les Républicains). Celle-ci a envisagé, en novembre, de récupérer les terres au profit d’activités industrielles ou d’agriculture intensive, comme Basta ! vous le racontait. Trois jeunes agriculteurs devaient s’installer durablement sur la ferme, approvisionner plusieurs dizaines de familles en paniers de légumes et fruits bios, tout en améliorant la biodiversité. Finalement, les élus ont décidé d’étudier sérieusement la proposition de rachat des surfaces, portée par l’association Terres de liens. La ferme est donc – au moins temporairement – sauvée.

Hôpitaux : des grèves dures, pour obtenir des embauches au compte-goutte

Sur le front social aussi, quelques petites victoires ont été obtenues, malgré un contexte de dégradations générales des conditions de travail, d’augmentation des inégalités, et de refus catégorique d’augmenter les salaires. Basta ! vous a notamment raconté les grèves dures menées au sein des hôpitaux psychiatriques, où les infirmiers, débordés, se sentent « comme dans une tranchée en temps de guerre »« On a parfois besoin d’isoler des enfants. Mais avant, on restait avec eux, tout simplement. Désormais, on les abandonne dans la chambre d’isolement, et on court s’occuper des autres, c’est horrible », racontait ainsi une infirmière rennaise.
Il a fallu un mouvement social pour que l’hôpital obtienne un lent déblocage de moyens supplémentaires et d’embauches, encore jugés insuffisants. Après une dizaine de jours de grève déclenchée le 6 novembre dernier, le personnel en lutte de l’hôpital psychiatrique Roger-Prévot de Moisselles (Val d’Oise) a également arraché à l’autorité régionale de santé la création de six postes d’infirmiers, de trois postes d’ouvriers techniques et l’ouverture de deux équipes d’hospitalisation à domicile. En juin dernier, des soignants de l’hôpital psychiatrique de Rouen avaient également obtenu la création des postes escomptés après deux mois de grève, et 18 jours de grève de la faim.

Femmes de ménage et travailleurs ubérisés : des avancées

Idem du côté des femmes et hommes de ménage travaillant dans des hôtels. A Paris, en début d’année, les femmes de chambre de l’hôtel Holiday Inn de la Porte de Clichy ont dû mener 111 jours de grève pour pouvoir négocier et obtenir satisfaction. A Marseille, six salariées d’une société de nettoyage sous-traitante d’un hôtel de luxe ont obtenu une augmentation de salaire de 9 % après quatre jours de grève et l’enregistrement de leurs heures supplémentaires pour que celles-ci soient payées. Du côté du palace Park Hyatt Vendôme à Paris, où nous nous sommes rendu au mois d’octobre, le personnel a également remporté une belle victoire : des garanties ou des améliorations sur les salaires, ainsi que le maintien de représentants « de proximité » pour les salariés en sous-traitance, alors que les ordonnances Macron devaient permettre à leur direction de s’en passer. Il leur a fallu, pour cela, pas moins de 87 jours de grève et d’occupation de la devanture de cet hôtel de luxe.
Depuis trois ans, Basta ! vous raconte aussi la réalité des conditions de travail au sein de la pseudo « économie de partage » qui se développe avec les plateformes de type Uber, Deliveroo ou Foodora, et le modèle que leur système sous-tend. Le 28 novembre, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a décidé de requalifier en CDI le contrat commercial d’un ancien livreur d’une start-up de livraison de repas, ouvrant la porte à d’autres procédures. En Espagne, la plateforme Deliveroo a finalement reconnu le récent jugement d’un tribunal qui a estimé qu’un livreur enregistré sur son application bénéficiait de fait du statut de salarié. Un mois plus tôt, des coursiers indépendants se sont réunis à Bruxelles afin de construire une stratégie commune à l’échelle européenne et internationale. Une première dans le monde de l’« uberisation » !
Enfin, last but not least, dans la bataille judiciaire que nous impose Bolloré, nous avons remporté une 4ème manche consécutive, face à la seconde plainte en diffamation déposée par le groupe. La 5ème manche devrait se dérouler en 2019 (lire : Face aux poursuites-bâillons ou au « secret des affaires », participez à notre travail d’information).
Bonne fin d’année à toutes et tous !

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