mercredi 6 mars 2024

Lutte contre la pénurie de médicaments

Au printemps dernier, le Sénat a rendu publique une commission d’enquête, lancée à l’initiative du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE), sur la pénurie de médicaments. Ce rapport, riche en données objectives, nous apprend qu’en 2022 les ruptures ou risques de rupture de stocks ont concerné quelque 3 700 médicaments, soit trois fois plus qu’en 2019.
Il nous indique aussi que l’Agence nationale de sécurité du médicament use peu de son pouvoir de sanction : entre 2018 et 2022, elle n’a prononcé que huit pénalités financières pour un montant total de 922 000 euros. En outre, aucune d’entre elles n’avait pour motif une violation des obligations d’élaboration d’un plan de gestion de pénuries ou de constitution d’un stock de sécurité – ce qui est pour le moins étonnant en ces temps de pénurie avérée.
Dans sa version initiale, cette proposition de loi s’inscrivait donc, avec raison, dans la volonté, d’une part, de rallonger la durée de réponse en fonction des besoins que doivent assurer les stocks de sécurité et, d’autre part, de renforcer les sanctions financières.
Nous regrettons que l’examen en commission, par l’adoption d’amendements du groupe Renaissance, ait largement réduit les ambitions de cette proposition. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteure qui visent notamment à relever les seuils de durée de couverture des besoins assurés par les stocks de sécurité.
C’est dans ce contexte que nous soutiendrons également un renforcement des sanctions financières à la main de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Toutefois, s’agissant de ce dernier aspect – et ce sera le sens de nos amendements –, il nous semble nécessaire de rendre ces sanctions obligatoires et de les assortir d’une somme plancher.
Cela étant dit, même si les mesures que nous allons examiner aujourd’hui peuvent être utiles, elles seront malheureusement, nous le savons tous, insuffisantes. En effet, l’autre apport majeur du rapport issu du Sénat est qu’il confirme l’urgence d’un changement radical de la politique du médicament dans notre pays.
Les pénuries ont comme origine le choix de ce gouvernement de favoriser une logique marchande au détriment de l’intérêt général. Le rapport pointe ainsi l’insuffisance des mesures prises pour responsabiliser les entreprises pharmaceutiques en matière de prévention, de déclaration et de gestion des pénuries dans un contexte de dépendance croissante aux importations. Il évoque un « chantage aux prix, encouragé par la financiarisation des laboratoires » et ajoute qu’à l’heure actuelle, « un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait, d’un droit de vie ou de mort sur les patientes et les patients ».
Pour les députés communistes et ultramarins du groupe GDR, il apparaît indispensable d’instaurer un rapport de forces différent, notamment à travers l’instauration d’un service public de fabrication du médicament. Il n’y va pas seulement d’une relocalisation des sites de production mais aussi d’un assainissement de la production des médicaments qui ne peuvent être assimilés à des marchandises dont les prix varient selon la saison, en fonction de l’offre et de la demande.
Un service public du médicament s’impose d’autant plus que, outre les raisons évidentes de santé publique, il est aberrant que le secteur pharmaceutique, aux modes de gestion et d’action très libéraux, fasse des bénéfices et prospère grâce à de l’argent public. Le secteur pharmaceutique, deuxième récipiendaire du crédit d’impôt recherche, a effet bénéficié, à ce titre, de 710 millions d’euros en 2020 sans aucune contrepartie. Sur ce point, le rapport du Sénat ne manque pas de propositions afin que les entreprises pharmaceutiques rendent des comptes à l’État et aux patients.
Bien que ce ne soit pas là l’objet de cette proposition de loi, nous tenions à rappeler ces éléments parce qu’ils ne sont pas non plus étrangers à la compréhension de l’intention de cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme la rapporteure applaudit également.)

 

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