15 milliards d’euros d’investissements étrangers ont été annoncés dans le cadre du sommet Choose France, ce 13 mai. La moitié de la somme va servir à construire des data centers Microsoft ou Amazon, très peu créateurs d’emplois.
Un chiffre rond, conçu pour marquer les esprits et faire taire les critiques : 15 milliards d’euros vont être investis par des entreprises étrangères en France, dans des secteurs aussi divers que l’industrie pharmaceutique, l’intelligence artificielle (IA) ou les data centers.
Cette pluie de milliards a été célébrée avec faste au château de Versailles, ce lundi 13 mai, à l’occasion du sommet Choose France, organisé chaque année par l’Élysée pour vanter les mérites de sa politique d’attractivité. « Ce grand succès historique est dû à une seule chose : notre politique économique mise en place depuis sept ans avec Emmanuel Macron », s’est félicité Bruno Le Maire, avant de claironner : « La réindustrialisation de la France est en marche ! »
C’est aller un peu vite en besogne. Aussi spectaculaire soit-il, ce chiffre de 15 milliards d’euros ne signifie en aucun cas que le pays serait en voie de réindustrialisation. Le gouvernement communique à l’envi sur l’attractivité du pays, mesurée à l’aide de différents baromètres, mais laisse dans l’ombre des indicateurs macroéconomiques plus pertinents.
Seulement 10 000 postes créés pour 15 milliards investis
« Depuis dix ans, l’indice de production industrielle a tendance à stagner en France, nous indique Sylvain Bersinger, chef économiste au cabinet Asterès. Le gouvernement se félicite des résultats de sa politique, mais on a le droit d’être sceptique : attirer les investisseurs étrangers en masse ne suffit pas, si la production stagne dans le même temps. »
L’économiste Éric Dor souligne de son côté que, entre 1995 et 2023, l’industrie française a créé (beaucoup) moins de valeur ajoutée brute que la plupart des autres pays européens. Pire, l’Hexagone « participe au petit groupe des nations les moins industrialisées de l’Union européenne, avec la Grèce, Chypre, Malte et le Luxembourg », relève-t-il.
Les 15 milliards d’euros annoncés dans le cadre de Choose France ne suffiront pas à enrayer la chute, et encore moins à enrichir l’industrie française en emplois. Dix mille postes doivent être créés par les multinationales, un chiffre non négligeable dans l’absolu, mais les créations sont souvent étalées sur plusieurs années. Il faut dire que la moitié des sommes investies (6,8 milliards) vont servir à construire des data centers, qui emploient très peu de main-d’œuvre.
La France, nouveau paradis des data center
Dans le détail, ce sont les géants américains Microsoft et Amazon qui vont injecter le plus. En mettant 4 milliards d’euros sur la table, le groupe créé par Bill Gates s’est assuré un beau coup de projecteur, coiffant Amazon et ses 1,2 milliard d’euros de promesse d’investissement. Ces deux géants ne sont pas les seuls, Telehouse et Equinix, sociétés spécialisées justement dans la construction des centres de données, vont également en ériger pour respectivement 1 milliard et 630 millions d’euros.
La France est en effet très attrayante pour ce type d’infrastructures. D’abord, l’énergie nucléaire est relativement peu onéreuse (les data centers représentent plus de 50 % de la consommation énergétique du numérique) et décarbonée, ce qui s’inscrit dans la stratégie de communication « verte » de ces multinationales. Par ailleurs, le gouvernement les arrose de nombreuses ristournes fiscales (crédits d’impôt recherche, crédits d’impôt pour l’industrie verte…).
La France fait également figure de destination privilégiée en raison de sa situation géographique : de nombreux câbles sous-marins – de plus en plus souvent propriété des Gafam –, par lesquels transitent l’essentiel du trafic Internet, aboutissent en France. Enfin, il n’y a pas (encore ?) eu de conflit d’ampleur sur le territoire, à la suite de l’installation de data centers, dont la consommation d’eau pour refroidir les serveurs peut se compter en centaines de millions de litres à l’année pour un gros site.
Autrement dit, la France est bien une sorte de paradis pour les data centers, mais il ne faut pas attendre des géants américains qu’ils redonnent de la vigueur à notre tissu industriel. Les emplois créés sont faméliques. Microsoft n’en promet aucun et a par ailleurs supprimé 10 % de ses effectifs en France (soit 209 postes) à la suite d’un plan de départs achevé en avril. Dans le cadre de Choose France, Amazon annonce bien 3 000 nouveaux postes, mais 2 900 seront créés dans ses entrepôts.
Il n’en reste pas moins que la proximité des centres de données facilite l’installation de laboratoires dédiés à l’intelligence artificielle, elle-même très consommatrice en données. IBM promet ainsi de développer son pôle sur le sujet à Saclay, mais là encore, il ne faut pas compter sur une profusion d’embauches : seuls 50 emplois seront créés.
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