L’expression d’une opinion « à titre personnel » peut-elle obstruer la portée d’une parole présidentielle ? En tout cas, quand Macron pense à 2027, il s’y voit déjà.
C’est un entretien « exclusif » que le chef de l’État a donné, le 4 mai, aux journaux La Provence et La Tribune. Un entretien au cours duquel est abordé l’après-Macron. D’une façon originale, puisqu’il y est question d’un après-avec Macron. Voyez plutôt l’échange :
- « Vous êtes le premier locataire de l’Élysée qui doit composer avec la règle limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Était-ce une bonne réforme ?
- Emmanuel Macron. Elle est là et je ne vais pas changer la Constitution. Si vous me demandez mon avis personnel, je pense que c’est toujours mieux quand on laisse le choix aux électeurs. Je suis pour le renouvellement en politique et j’ai porté la limitation du nombre de mandats dans le temps, donc je ne suis pas forcément en train de vous dire que j’aurais aimé être candidat à un troisième mandat. Mais je pense avec le recul qui est aujourd’hui le nôtre que quand on met des interdictions dans la loi on capture en quelque sorte une part de la liberté des électeurs qui sont souverains. Donc je regarde devant avec la volonté d’être utile au pays et audacieux jusqu’au bout.
- Mais vous sentez que déjà aujourd’hui ça vous entrave ?
- Emmanuel Macron. Non. J’ai encore tellement de choses à faire pour les Français. Nos institutions sont claires. Les pouvoirs du président de la République, la Constitution de la Vème République en a voulu ainsi, sont forts. Les formations de la majorité sont loyales et engagées. Dans mes responsabilités, il y aura celle de préparer la suite et de garder la force et l’unité de ce bloc central né en 2017. »
Quand le président bolivien Evo Morales tente d’y aller, en 2019, lui aussi une troisième fois, les commentateurs n’hésitent pas à parler de tentative de coup d’État. Quand une fillette pleure en apprenant, en 2016, que Barack Obama ne sera plus président des États-Unis d’ici un an, il ne se paye pas d’ambiguïtés : « Dis-lui de sécher ses larmes, parce que je ne vais nulle part. Une fois que j’aurais quitté la Maison blanche, je serai toujours un citoyen, tout comme elle. Et quand elle grandira, elle pourra s’impliquer à mes côtés. » Et Emmanuel Macron ? Il le jure, il ne va « pas changer la Constitution » pour ça, ouf ! Néanmoins, l’on comprend très bien ce qu’il en pense, de cette limitation à deux mandats présidentiels consécutifs : c’est la liberté qu’on assassine !
L’affaire pourrait sembler n’être qu’une anecdote, un « avis personnel ». Or, Emmanuel Macron n’est pas un citoyen. D’autant moins anecdotique que c’est la quatrième fois que la Macronie met ce sujet sur la table des débats ! Tantôt qualifiant cette règle de « funeste connerie » — l’expression est d’Emmanuel Macron en personne –, tantôt en envoyant ses plus fidèles lieutenants exprimer leur « regret » quant à « tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire »…
Le pire, derrière cette idée profondément populiste, c’est qu’elle est servie avec la sauce « barrage à l’extrême droite ». Pour la faire courte : Emmanuel Macron est le seul qui a battu Marine Le Pen, deux fois, s’il n’est pas là pour le troisième round, elle l’emportera et faudra pas venir vous plaindre !
Emmanuel Macron ne fera sûrement rien. Ne surestimons pas son désir d’empêcher l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Quant à son désir irrépressible de conserver le pouvoir, vu la pratique qu’il en a, ne le prenons pas non plus pour un Poutine en puissance – pas une réforme Macron ne sera dans les livres d’histoire ! Ça ne l’autorise pas à lancer en l’air des idées dangereuses, alors que l’extrême droite guette, avide de ce genre de propositions.
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