D’un côté, il y a les objectifs. Le Pacte vert européen prescrit au secteur des transports une baisse drastique de ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 et 90 % d’ici à 2050. Pour ce faire, 75 % du trafic de marchandise transitant actuellement par les routes devront être réaiguillés vers le rail et les voies navigables.
De l’autre côté, il y a les actes. En juin 2023, le ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune, avait répondu prématurément à l’annonce du lancement d’une enquête de la Commission européenne au sujet de 5,3 milliards d’euros d’aides publiques versées à Fret SNCF entre 2007 et 2019, en décrétant un « plan de discontinuité » de l’entreprise. Celle-ci sera désarrimée du groupe public : 30 % de ses trafics, représentant 20 % de son chiffre d’affaires et 10 % de ses effectifs, seront cédés à la concurrence pour rembourser les aides. « On va vers la faillite de l’opérateur historique du transport ferroviaire de marchandises. Et rien ne porte à croire que ce plan va permettre le report modal de la route au rail. Il n’y a aucune obligation en ce sens », pointe Thierry Nier, secrétaire général de la CGT cheminots.
C’est pour renverser la vapeur que les quatre syndicats représentatifs du rail, soutenus par des collectifs d’usagers, des associations environnementales et des partis de gauche, ont annoncé, ce lundi 29 avril, la riposte. Une démonstration de force des cheminots de l’Hexagone et de tous leurs alliés est prévue pour le 28 mai, journée de mobilisation européenne contre la libéralisation du rail. Le but étant de faire dérailler ce « plan de discontinuité » avant le 30 juin, date de la fin des contrats de Fret SNCF sur les 23 flux cédés à ses concurrents privés.
« L’Union européenne est en train de ruiner les seuls opérateurs capables de mettre en place son Green Deal. Et l’État affirme qu’il fera tout pour sauver le fret, mais pas forcément avec l’opérateur historique », dénonce Fabrice Charrière, secrétaire général adjoint de l’Unsa ferroviaire. Les syndicats entrent donc dans l’action. « Il nous faut une victoire. Le déclenchement du moratoire mettrait un coup de Calgon, au-delà du rail, sur les méga-camions sur lesquels planche l’Europe », assure Julien Troccaz, secrétaire fédéral SUD rail. À ses côtés, Thomas Clavel, secrétaire général de la CFDT cheminots, complète l’arsenal des luttes : « Nous allons attaquer l’État et la SNCF devant la justice pour obtenir la suspension du plan. Et il nous faut changer les esprits : le fret ferroviaire n’est pas un coût mais un bénéfice pour la collectivité et la planète. »
Symbole de l’inanité de la politique des transports de marchandises, le train des primeurs, reliant Perpignan à Rungis, n’est à nouveau plus assuré de survivre à l’été. Michel Coronas, qui vient d’engager pour le PCF des Pyrénées- Orientales une campagne pour le développement du fret dans le département, est prêt à relayer le combat des cheminots : « Si l’État continue comme ça, à ne rien faire, les volumes transportés par le rail vont finir de s’étioler. Pour l’heure, le lobby de la route donne le la. Il faut forcer l’État à agir. »
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