lundi 20 décembre 2010

Définir l’unité du projet, ensuite la tactique

Par Yvon Quiniou, philosophe.

La question qui est posée par l’appel en faveur d’André Chassaigne (l’Humanité du 12 décembre) est d’importance : comment le Parti communiste doit-il concevoir la candidature unique que le Front de gauche devra présenter à la présidentielle de 2012 ? Soyons clairs : à titre personnel, je préférerais que ce soit André Chassaigne le candidat, non seulement du fait de ses qualités propres mais, au-delà, parce qu’il assurerait ainsi la visibilité du courant communiste, le seul qui soit porteur, selon moi et sur le long terme, d’un projet de transformation radicale du capitalisme, dont plusieurs des propositions indiquées dans l’appel peuvent être l’amorce. Mais est-ce là, aujourd’hui, la question ?
La vraie question, dans le cadre d’une élection qu’il faudra bien un jour mettre en cause, mais que nous devons cependant affronter et qui a rarement réussi aux communistes en raison de la personnalisation qu’elle induit, peu favorable au vrai débat politique, est la suivante : rassembler un maximum d’électeurs en faveur d’un projet clairement distinct de l’orientation sociale-libérale qui prédomine au PS, malgré ses inflexions récentes, et rééquilibrer ainsi la gauche dans un sens qui permette de gouverner éventuellement avec lui, non pour gérer la crise mais pour s’y opposer, satisfaire les intérêts populaires dans de multiples domaines et éviter de nouvelles déceptions qui risqueraient d’ouvrir ensuite la voie à une extrême droite menaçante, comme cela se voit dans de nombreux pays européens. Il s’agit donc à la fois d’arrêter impérativement la casse hallucinante des acquis sociaux à laquelle se livre la droite sarkozyste – et les électeurs ne nous pardonneraient pas de ne pas tenter d’y contribuer et de nous contenter de la dénoncer – et d’amorcer enfin, après des tentatives passées avortées, un processus de dépassement du capitalisme actuel dont l’injustice globale saute désormais aux yeux de tous.
Dans ce contexte délicat, où il faut rassembler toutes les forces vives capables de s’associer à nous, le Front de gauche est bien la structure politique qui s’impose, elle montre que les communistes peuvent s’ouvrir à des alliances claires, sans souci d’hégémonie ou d’instrumentalisation, et le Parti communiste, du fait de son poids particulier comme de ses idées propres, peut et doit en être le cœur ou le moteur. Mais doit-il imposer ou proposer (ce n’est pas pareil) son porte-drapeau, à savoir celui qui permettra à cette structure de faire un maximum de voix pour compter dans le futur et peser réellement sur la politique ? On ne saurait trancher ce problème a priori et refuser d’emblée que ce ne soit pas un candidat communiste qui porte ce drapeau, dès lors que les idées qu’il défendra auront notre accord parce qu’elles porteront notre marque, à la fois radicale et réaliste, et que, par ailleurs, la préservation (au minimum) de notre influence aux autres élections (cantonales et législatives) sera assurée. Diverses variables peuvent intervenir, dont le rôle des médias et l’anticommunisme ambiant, qui continue malheureusement de persister, et il ne faudrait pas répéter l’expérience malheureuse de la précédente présidentielle où notre volonté d’unité s’est transformée en isolement, sans que la qualité de notre candidate ait été en quoi que ce soit en cause, mais du fait des résistances que le label «communiste» suscite encore, malgré toutes les transformations démocratiques qui ont été opérées.
L’important, dans tous les cas, est dans un premier temps qu’il reste une gauche dans ce pays et d’éviter ainsi le «syndrome italien», caractérisé non seulement par la dilution de la gauche sociale-démocrate en parti démocrate, mais par la disparition pour l’instant de la gauche communiste du champ parlementaire du fait de ses divisions internes, ce qui suppose que la démarche engagée aille jusqu’au bout avec succès. De ce point de vue, il ne me paraît pas pertinent de commencer par attaquer les défauts de l’autre candidat éventuel, 
Mélenchon (figure médiatique, populisme, etc.). Quelle que soit la justesse éventuelle de ces critiques, elles placent le débat à un niveau qui ne peut que nous desservir et faire craindre que nous voulions instrumentaliser le Front de gauche. Dès lors que l’unité sur le contenu du projet aura été vigoureusement et rigoureusement garantie, la question tactique (et non stratégique) du porte-drapeau doit être résolue à l’aune du seul critère de la réussite maximale que celui-ci peut nous apporter dans la défense de notre projet.
Yvon Quiniou

Lire l'appel en cliquant ci-dessous :

 



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