« Ce n’est pas aux salariés de s’adapter à la CGT, mais à la CGT de s’adapter aux salariés ! » M. Mohammed Oussedik, secrétaire confédéral depuis le congrès de Nantes, est convaincu que la Confédération générale du travail doit faire évoluer ses structures pour mieux représenter le salariat d’aujourd’hui (lire « Où vont les syndicats ? », Le Monde diplomatique, décembre 2010). « On est présent dans toutes les entreprises de plus de trois cents salariés, mais quasiment absent dans celles qui en comptent moins de cinquante, alors qu’elles représentent plus de la moitié du secteur », regrette le secrétaire général de la Fédération Verre-Céramique (1).
Pour y remédier, la CGT a mis en place de nouvelles structures qui dépassent le périmètre des entreprises. « On a créé des syndicats professionnels de territoires, comme dans la région de Cognac, qui regroupe environ trente-cinq adhérents dans le secteur des flacons », précise M. Oussedik. Ces regroupements permettent de mieux faire appliquer les conventions collectives. Il cite également le cas d’un « syndicat de site », rassemblant une petite trentaine de salariés, à Draguignan (Var), dans le domaine des carreaux. Juridiquement, celui-ci est basé à l’Union locale (UL) CGT, les syndicats de site n’ayant pas d’existence juridique reconnue.
C’est un vrai problème. « Nous manquons de moyens, nous n’avons pas de local dans le centre commercial », déplore Mme Marie-Hélène Thomet, responsable du syndicat de site Part-Dieu à Lyon (Rhône), créé en février 2008. Dans ce vaste centre commercial, la CGT disposait d’implantations dans ses plus grosses entreprises, comme la Fnac, Carrefour et les Galeries Lafayette. Le syndicat de site lui permet d’intervenir dans de plus petites enseignes : « En dix-huit mois d’existence, nous avons un peu plus que doublé le nombre de nos adhérents, pour arriver à une quarantaine. » Les salariés du centre subissent des conditions d’exploitation très proches : « Les écarts de revenus sont faibles, et tous les salariés du centre souffrent de la même pénibilité avec la chaleur, le bruit ou le travail le dimanche. » La difficulté est toutefois de trouver un interlocuteur : « On voudrait créer un Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), mais le directeur du Groupement d’intérêt économique, qui rassemble les entreprises du site, refuse de prendre contact avec nous ! »
Les syndicalistes sont de plus en plus confrontés au problème de l’engagement des salariés appartenant à des entreprises sous-traitantes. M. François Debrand témoigne de l’expérience du syndicat des cheminots de Lyon-Guillotière, qui s’est ouvert aux salariés extérieurs à la SNCF, comme ceux du nettoyage. « Leurs patrons refusaient de me parler. On a rencontré de grandes difficultés juridiques, mais c’est une de mes meilleures expériences syndicales », confie-t-il. « Avec le développement de la sous-traitance, on ne peut plus prétendre défendre les intérêts de salariés en se limitant à l’entreprise. C’est en élargissant la lutte qu’on protège finalement le mieux les salariés des entreprises donneuses d’ordre », estime M. Oussedik.
L’Isère est un autre lieu d’expérimentation privilégié. « On essaie d’établir de nouvelles solidarités et pas seulement des solidarités de métier, rapporte M. Patrick Varela, secrétaire général de l’Union départementale jusqu’en juin 2010. On avait dix-neuf UL, on les a regroupées en six territoires à partir de quelques objectifs clef. » Un pôle Nouvelles technologies autour du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de Schneider a ainsi été créé. Il s’occupe aussi bien des lieux de restauration collective que du statut des salariés sous-traitants. Dans le nord du département, c’est sur une importante plate-forme logistique que la mutualisation des moyens syndicaux s’est révélée payante. « Dans ce qui était un désert syndical, on est passé de zéro à deux cents adhérents en dix ans », se félicite M.Varela.
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