Danièle Linhart, sociologue, directrice de recherches au CNRS et auteure de Travailler sans les autres?, Seuil, 2009
Alternatives Economiques n - décembre 2010
On ne peut pas expliquer l'importance des mobilisations contre la réforme des retraites, et le soutien constant dont elles ont bénéficié dans l'opinion publique, sans y voir, au-delà du strict problème de la retraite en tant que telle, l'expression d'un profond désespoir face au travail et aux dégâts qu'y cause le management à la française.
Il y a bien sûr le refus de voir remettre en cause, sans véritable négociation, des acquis considérés comme légitimes. Mais les slogans hurlés dans les manifestations montrent que le malaise est beaucoup plus profond: "Mourir au travail? Plutôt crever!". Et surtout le terrible "Métro, boulot, caveau", qui s'est substitué au traditionnel et bon enfant "Métro, boulot, dodo"…
Les manifestants et ceux qui les soutiennent ont livré ainsi leur vérité, c'est-à-dire leur sentiment de vivre un corps à corps solitaire avec leur travail, dont ils ne sont pas sûrs de sortir vainqueurs tant il leur paraît destructeur. Ils se sentent mis en danger par ce management moderne qui maintient une pression constante dans la logique du toujours plus. Il leur faut atteindre des objectifs souvent irréalistes, inventés par des encadrants toujours mobiles et pressés qui ne connaissent pas (ou ne veulent pas en tenir compte) les difficultés réelles rencontrées sur le terrain. Il leur faut subir des évaluations de leur travail, réalisées souvent à la va-vite et de façon arbitraire, qu'ils vivent comme un déni des efforts qu'ils ont fournis. Ils redoutent d'être contraints de mal faire leur travail, de se voir en situation d'incompétence, d'être acculés à commettre une faute professionnelle.
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