Le cri d’alerte est venu du professeur Bernard Debré, député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) mais aussi chef de service à l’hôpital Cochin à Paris : « C’est l’hôpital public qu’on assassine », a-t-il lancé le 3 octobre 2010. A la mi-octobre, des mouvements de grève touchaient quarante-quatre hôpitaux.
Par Anne Gervais et André Grimaldi
Au lendemain de l’adoption par le Parlement français, le 25 juin 2009, de la loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST), la ministre de la santé et des sports Roselyne Bachelot, en visite au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, affirmait que le système hospitalier « crée de l’emploi ». Et d’ajouter : « En 2008, ce ne sont pas moins de vingt-cinq mille embauches qui ont été réalisées dans les hôpitaux français (1). » Quinze mois plus tard, le 2 octobre 2010, il a suffi d’un arrêt de travail de trois infirmières pour que l’hôpital Tenon, à Paris, soit contraint de fermer son service des urgences pendant tout le week-end, mettant en grande difficulté les hôpitaux voisins de Saint-Antoine et Saint-Louis, déjà saturés faute de personnel.Dès son adoption, la loi avait soulevé l’opposition des communautés soignantes hospitalières contre un « traitement de choc pour tuer l’hôpital public (2) ».
Créées par la loi, les vingt-six agences régionales de santé (ARS) — dont les directeurs sont nommés en conseil des ministres — se mettent en place avec difficulté. Inévitablement, des conflits de culture et de préséance sont apparus entre les représentants de leurs différentes composantes (Sécurité sociale, direction des hôpitaux et affaires sanitaires et sociales). Au-delà de ces querelles, s’affirment les deux traits fondamentaux de la réforme dite Bachelot : l’étatisme bureaucratique d’une part, l’ouverture vers le marché d’autre part. Même la mise en place de l’éducation thérapeutique du patient, innovation de la loi qui avait réussi à faire consensus, souffre de ce double aspect. Pour obtenir l’autorisation nécessaire de l’ARS, les soignants doivent satisfaire aux exigences bureaucratiques : pour apprendre à un patient à « gérer » son traitement, il faut au préalable lui demander de signer un « consentement éclairé ». Exactement comme s’il participait à une étude de recherche ! Interrogée sur l’absurdité de cette mesure, l’ARS d’Ile-de-France n’a qu’une réponse : « C’est le règlement ! » Pour autant, autorisation ne vaut pas financement. Ce dernier sera limité. Il faudra donc fait appel au privé, en particulier à l’industrie pharmaceutique, à travers des « partenariats public-privé » prétendument « gagnant-gagnant » mais au final toujours perdants pour les deniers publics.
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