Au congrès de Tours, en décembre 1920, naissait le parti qui allait prendre le nom de PCF. L’ouverture d’une parenthèse politique qui peine à se refermer après l’écroulement du système soviétique, comme certains l’affirment ? Ou le lancement d’une lutte politique à laquelle l’évolution du monde ne cesse de donner son sens ? dans ce cas, quelle forme doit-elle prendre aujourd’hui ?
Après l’écroulement du système soviétique beaucoup se sont interrogés sur la nécessité d’un parti continuant de se référer au communisme puisque l’histoire prétendait-on, en aurait démontré définitivement l’inanité. Et ne vaudrait-il pas mieux, ajoutaient certains, qu’il se dissolve dans un mouvement plus large se contentant d’aménager le capitalisme à la manière de la social-démocratie triomphant en Europe ?
Le problème est que ce propos repose sur un contresens dont auront été victimes aussi bien les partisans que les adversaires du système soviétique. Ils y ont vu une incarnation du communisme, alors qu’il s’agissait de sa caricature : une société issue du sous-développement et contredisant à beaucoup d’égards cette démocratie intégrale qui définissait le communisme selon Marx. Celui-ci n’est donc pas mort avec la chute du mur de Berlin puisqu’il n’a existé nulle part, et il reste à inventer dans nos sociétés développées qui en accumulent aujourd’hui les présupposés objectifs (la richesse matérielle), en respectant la liberté politique hérité de 1789.
Mais, tout autant, ce scepticisme engageait un diagnostic sur la viabilité et les bienfaits d’un capitalisme réformé que sa crise récente a invalidé. Car il s’agit d’une crise systémique, qui ne cesse de s’approfondir et fait le malheur des peuples à un degré qu’on n’aurait jamais imaginé au siècle dernier : paupérisation absolue de pans entiers de la population, non seulement en Europe mais dans les ex-pays de l’Est (sans qu’ils aient beaucoup gagné sur le plan de la démocratie) ; poids insoutenable de la finance internationale contraignant les Etats à renoncer aux multiples acquis sociaux de l'Etat providence, qui avaient été obtenus par la lutte de classes, syndicale et politique, et avaient imposé au capital un compromis substantiels avec le monde du travail, etc. Or tout cela non seulement se développe sans le consentement des peuples mais est encouragé par la social-démocratie européenne, qui renonce à son identité originelle et s’enfonce dans un projet social-libéral qui tend à n’en faire qu’un appendice de la droite.
C’est bien pourquoi, face à ce désastre global, nous avons besoin de maintenir haut et fort, mais avec intelligence aussi, l’exigence communiste d’une société largement différente, entièrement consacrée au service de l’humain. Mais cela ne se fera pas tout seul, à partir du mouvement social abandonné à sa spontanéité, comme si l’idéologie dominante n’existait pas, menaçant de biaiser la conscience des injustice sociale et du coup, la formulation des enjeux et des objectifs de la lutte proprement politique pour y mettre fin.
Il y faut un parti communiste, qu’il faut certes démocratiser et ouvrir au maximum sur l’extérieur, mais un parti, à savoir une organisation dotée d’une théorie révolutionnaire, capable de faire des propositions nourries de connaissances économiques et sociologiques pointues et ayant pour fonction d’éclairer le chemin de la lutte anticapitaliste dans tous les domaines. Ne cédons pas à la mode qui critique la « forme parti » : ce serait fuir notre responsabilité, nous mettre à la remorque de l’opinion et risquer de voir se diluer l’exigence communiste elle-même. La politique a besoin de ces médiations que sont les partis, c’est encore plus vrai pour un parti qui lutte contre l’ordre dominant : refuser la nécessité de cette médiation, c’est contribuer au discrédit de la politique elle-même alors que nous, communistes, entendons lui redonner toute sa place.
(1) Auteur de « l’Ambition morale de la politique. Changer l’homme ? » Editions l’Harmattan. Il vient de rédiger des « Thèses pour un communisme futur à partir du moment présent » que l’on trouvera sur le site La Faute à Diderot (lafauteadiderot.net)
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