Par
François Ruffin
Première fortune de France, quatrième fortune mondiale, Bernard
Arnault a bâti son empire sur un mensonge. Qui a fait des victimes. Et
qu’il s’efforce de cacher. Tandis que la misère reste ici, lui exporte
son pactole.
Du Val de Nièvre jusqu’à Bruxelles, notre Section Spéciale a mené
l’enquête pour traîner ce grand patron devant le Tribunal Moral
International.
Excusez-moi, on recherche cet individu. » Au Café du Centre, à Flixecourt, notre Section Spéciale tend à la serveuse un portrait-robot : « Est-ce que vous l’auriez aperçu ? » Elle scrute le dessin, et nos mines à nous, dans nos parkas de détective : « Non, ça ne me dit rien. » Et de s’adresser à sa collègue, plus ancienne : « Tu le connais, toi, ce bonhomme-là ? » L’autre fait la moue, secoue la tête en tirant une Pelforth à la pompe : « Nan, je vois pas. » On les met sur la voie : « Arnault, Bernard, il s’appelle. Né le 5 mars 1949 à Roubaix, département du Nord. »
Toujours rien.
« Il est passé par ici, il y a une trentaine d’années… »
Non, rien de rien, elle ne se souvient de rien.
Notre filature piétinait.
Au Café des Sports, à L’Étoile, le bled à côté, un Paris-Match en main (titré « Pour le bonheur de sa fille, Bernard Arnault reçoit au château d’Yquem princes, stars et barons de la finance »), on avait déjà sondé les âmes :
« Qui c’est celui-là ? demandait Gilette.
- Je l’ai jamais vu, appuyait sa voisine.
- Il a un beau costume. »
Autour de la table, pourtant, notre SSACP - Section Spéciale
Anti-Crimes Patronaux - avait réuni des témoins de ce massacre
industriel. Des anciennes ouvrières du coin, des filatures, de la
velveterie, du tissage, qui avaient traversé la débâcle du textile d’un
repreneur au suivant. « Vous ne savez pas qui c’est, ce Arnault Bernard ? on insistait.
- Non.
- Mais vous avez travaillé chez Saint ?
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