Cher camarade, cher Harlem,
Dans la nuit du 6 au 7 mai dernier, tu
étais aux côtés de François Hollande sur l’immense scène installée place
de la Bastille. Cette nuit-là, tu as senti l’espérance d’un peuple de
gauche venu défier les appels presque unanimes à la résignation. Tu as
vu ces dizaines de milliers de Françaises et de Français dont
l’enthousiasme était une demande : celle que les Socialistes, revenus au
pouvoir, parviennent enfin à changer la vie.
Je n’étais pas avec vous à Paris. J’ai
fêté la victoire auprès de mes camarades dans le Nord. Mais déjà, cher
Harlem, je n’y croyais plus beaucoup… Est-ce parce que nous avions déjà
trop souvent déçu les nôtres ? Me doutais-je que nous nous apprêtions à
le faire de nouveau, peut-être plus rapidement et plus brutalement que
jamais ?
Je suis entré au PS à l’âge de 17 ans. La
figure tutélaire de François Mitterrand, le poing et la rose, le combat
contre les forces de l’argent, les 110 propositions : jeune militant,
je revendiquais fièrement cet héritage.
Même lorsqu’il s’est éloigné de ses
valeurs, j’ai continué de croire mon Parti capable de rénovation. Grâce à
notre démocratie interne, la prise en compte des différentes
sensibilités, l’écoute mutuelle, la camaraderie (notion aujourd’hui
disparue), il me semblait possible d’ancrer à gauche notre ligne
politique.
J’ai la tristesse mais enfin la lucidité,
après vingt-trois années de militantisme, dont neuf au sein de la
direction nationale du PS, de constater que je me suis trompé. Désormais
je comprends à quel point les dirigeants du Parti Socialiste
s’accommodent cyniquement d’avoir une aile gauche pesant en moyenne 15%
lors des scrutins internes. Des personnalités telles qu’Henri Emmanuelli
et Benoît Hamon autrefois, ou telles qu’Emmanuel Maurel aujourd’hui,
ont simplement permis de maintenir, en façade tout au moins, l’image
d’un vrai parti de gauche. Tel est le rôle d’Arnaud Montebourg au
Gouvernement ; tel a été mon rôle dans le Nord. À un parti en pleine
dérive idéologique, il fallait ses « idiots utiles ».
Depuis mai, sous le regard d’une Bastille
incrédule, qui avait tant besoin de retrouver la foi dans le progrès
social, François Hollande et le Gouvernement n’ont fait que reculer…
sous les applaudissements de l’appareil socialiste.
Te souviens-tu seulement du projet que nous avons porté ensemble ?
Dès 2010, Benoit Hamon voulait substituer
au mythe gentillet et creux de « l’égalité des chances » un retour à
l’objectif historique de la gauche : l’égalité réelle entre tous les
citoyens. Pour ce faire, il proposait une batterie de mesures sociales
et sociétales ambitieuses.
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