La maire de Paris, Anne Hidalgo, va recevoir dans les prochains jours un rapport étudiant l’élargissement de la prise en charge totale des déplacements franciliens.
Se déplacer en Île-de-France sera-t-il bientôt un droit garanti, et gratuit pour tous ? Pourra-t-on prendre le métro comme on emprunte un livre dans une bibliothèque municipale ? Monter dans un bus, ou un tram, comme on entre dans une école publique ou dans un hôpital ? Le passe Navigo sera-t-il un jour aux transports ce que la carte Vitale est aux soins ? Cette idée, portée de longue date par ceux qui luttent contre la marchandisation du monde, s’est imposée, pendant la trêve des confiseurs, au cœur du débat public.
Après la remise d’un rapport sur le sujet dans les prochains jours, Anne Hidalgo devrait faire des annonces, glisse son entourage à l’Humanité. Le passage à la gratuité totale des transports de la communauté urbaine de Dunkerque, et ses 200 000 habitants, au mois de septembre dernier, avait déjà popularisé cette politique progressiste mise en œuvre dans une trentaine de villes de France (lire notre édition du 11 septembre 2018). La question est désormais débattue en Île-de-France, où vivent près de 10 millions d’habitants. La maire de Paris envisage déjà « des formes de gratuité nouvelles, par exemple pour les enfants ». « Je l’ai déjà fait pour les personnes âgées et les personnes handicapées », ajoute Anne Hidalgo dans un entretien accordé dimanche dernier au Journal du dimanche.
L’offensive n’est pas isolée. Juste avant les vacances scolaires, Céline Malaisé, présidente du groupe Front de gauche-PCF au sein de la région Île-de-France, a défendu quatre amendements dans le débat budgétaire pour « avancer progressivement » vers la gratuité des transports. Comment ? En prenant en charge entièrement la mobilité des moins de 18 ans et en élargissant la tarification sociale existante, notamment pour les retraités. Cela répond selon l’élue à un triple enjeu, « climatique », « sanitaire » et surtout « social » en période de mobilisation des gilets jaunes.
« Cela place le débat à l’échelle nationale »
Plus d’un million de Franciliens bénéficient déjà de tarifs réduits, voire, pour certains d’entre eux, de la gratuité. Mais cette aide varie selon l’endroit où l’on réside. Dans le Val-de-Marne, où le département mène des politiques sociales ambitieuses, les étudiants et les jeunes ne paient que la moitié de leur passe Imagin’R. Idem pour les retraités, qui bénéficient de 50 % de réduction sur leur abonnement. À Paris, les plus de 65 ans sont aussi exonérés sous condition de revenus (jusqu’à 2 200 euros par mois pour une personne seule ; 3 400 euros pour un couple). Une mesure annoncée en janvier 2018 par Anne Hidalgo. Un vœu en ce sens avait préalablement été déposé par les communistes au Conseil de Paris.
Poussée dans ses retranchements, Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France, a elle aussi commandé un rapport. Rendu public au mois de novembre, il livre des conclusions catégoriques : la gratuité, « si elle peut se justifier et se financer dans des petites villes dotées de réseaux (…) assez modestes », n’est « pas souhaitable » en Île-de-France. Une « impasse financière et un risque de paupérisation » des transports collectifs, tranche ce texte à sens unique. « Ce rapport a choisi d’étudier seulement un passage à la gratuité totale et immédiate. Cela ne peut évidemment pas marcher. Le réseau existant – et les RER surchargés – ne pourrait amortir un afflux de nouveaux usagers. Mais cela sera envisageable à long terme, quand fonctionnera le Grand Paris Express », rétorque Jacques Baudrier, conseiller de Paris et administrateur d’Île-de-France Mobilités, syndicat ayant la main sur le réseau de transports francilien. « À court terme, reprend Jacques Baudrier, on pourrait étendre la gratuité à 3 millions d’usagers supplémentaires, dont les jeunes de moins de 25 ans (qui prennent moins les transports aux heures de pointe – NDLR). Cela représente un coût d’environ 350 millions d’euros. » Il estime à 3 milliards le coût d’une gratuité totale. « C’est à notre portée quand on voit que l’on a réussi à dégager 1,6 milliard de ressources nouvelles pour financer les transports en Île-de-France depuis dix ans. »
L’offensive de la gauche francilienne a un mérite, observe Patrice Vergriete, maire de Dunkerque : « Cela place le débat sur la gratuité à l’échelle nationale, alors qu’il s’est réduit trop souvent à des postures dogmatiques ou de café du Commerce. » Désormais, tous les élus, favorables ou non, doivent, insiste l’édile, échanger des arguments solidement construits sur le « rapport coût/bénéfices » de cette mesure… plébiscitée dans sa ville.
Pierre Duquesne
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