lundi 16 juin 2014

Face au coût du capital : un retour à un capitalisme « normal » ne suffirait pas

Par Nasser Mansouri Guilani, responsable du pôle économique de la CGT
Dans la société capitaliste, le capital ne représente pas une chose, un objet, mais bien un rapport social. Par conséquent, la rémunération du capital dépend des rapports de forces entre le capital et le travail et de l’évolution du système. La phase actuelle du développement du capitalisme, appelée « capitalisme financiarisé », se caractérise par une ponction de plus en plus forte des valeurs créées par les travailleurs au profit des actionnaires qui se comportent comme des financiers. Contrairement au postulat libéral, le développement des marchés financiers ne permet pas de réduire le coût du capital, au contraire. Lorsqu’on fait la somme des intérêts, des dividendes et des rachats d’actions, on arrive à un coût nettement plus élevé. Ainsi, le montant des dividendes versés comparé à la valeur ajoutée a été multiplié par quatre depuis trente ans.
Dans leur étude (1), les chercheurs du Clersé de l’université de Lille-I introduisent la notion de « surcoût du capital », estimé à 100 milliards d’euros. En dépit de ses vertus analytiques et pédagogiques, cette notion mérite clarification. Certes, les valeurs créées par les travailleurs ne peuvent pas leur être attribuées totalement. Il faut affecter une partie au renouvellement et au développement des capacités productives et au financement des biens et services publics. Mais la rémunération du capital relève d’une logique d’exploitation : au nom de « l’esprit d’entreprise » et des risques associés, les propriétaires et actionnaires revendiquent un prélèvement sur les valeurs créées par les travailleurs. Or, une caractéristique majeure du capitalisme financiarisé est que le risque est reporté sur les travailleurs, alors que la rémunération du capital devient de plus en plus onéreuse. Ce renchérissement du coût du capital est systémique, inhérent au capitalisme financiarisé. Il représente les conditions d’exploitation des travailleurs aujourd’hui. En d’autres termes, le surcoût du capital fait partie intégrante du coût du capital dans une économie financiarisée.
Il ne suffirait pas de reprendre le surcoût du capital et de le redistribuer pour mettre fin à la financiarisation.

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