Par Yvon Quiniou
Le propos alarmant de Manuel Valls annonçant l'éventuelle
mort de la gauche constitue une double mystification. D'abord parce que cette
mort de la gauche socialiste est survenue idéologiquement depuis longtemps et
qu'elle a été opérée pratiquement par la politique de F. Hollande, clairement
assumée par Valls. Tout le monde aujourd'hui reconnaît que le Parti dit
"socialiste" n'est ni socialiste ni social-démocrate mais
social-libéral et que sa politique actuelle est, à quelques réformes sociétales
près, de droite. D'ailleurs, Valls lui-même incarne au PS le courant le plus
droitier de celui-ci puisque son positionnement vise à abandonner toute idée de
"socialisme". Or, peut-il y avoir une gauche authentique sans un
ancrage idéologique fort dans cette idée? Autant demander d'abandonner la
référence au Christ dans le christianisme! En ce sens, cette mort annoncée, en
partie pour faire taire les dissidents qui ne s'y résignent pas, a tout d'un
meurtre: en politique il n'y a pas de mort naturelle et ledit PS est en train
de casser historiquement la gauche (voir un de mes précédents billets),
rejoignant la cohorte de ses partis amis en Europe qui mettent en oeuvre ou
soutiennent dans leurs pays respectifs les pires mesures anti-sociales que nous
ayons connues depuis un siècle (alors que les dirigeants de la finance
internationale se portent, eux, très bien). Avec la conséquence que nous voyons
arriver: la montée d'une extrême-droite fascisante se nourrissant des effets
dramatiques de cette orientation dans les classes populaires. Car il faut le
marteler: l'influence grandissante de cette extrême-droite ne signifie en rien
une adhésion de masse à son idéologie, elle n'est que l'expression d'une
souffrance sociale produite par le néo-libéralisme et la mondialisation
capitaliste que les élites politiques qui alternent au pouvoir, PS inclus par conséquent, soutiennent
activement, voir passionnément. Le PS, donc, non seulement tuerait la gauche
mais il provoquerait la renaissance des idées fascistes? En tout cas, si on
laisse de côté ce dernier point, le propos de Valls a tout l'air d'une autocritique involontaire
en même temps que d'un énoncé performatif: il dit ce que son auteur veut faire
pour y habituer les consciences et faciliter ainsi sa réalisation. Stratégie
classique: on a ainsi annoncé autrefois la mort de la référence à Marx
(souvenez vous des "nouveaux philosophes")... pour contribuer à la
faire disparaître... alors qu'elle ne s'est jamais mieux portée qu'aujourd'hui!
Mais tout autant, il y a l'autre aspect de cette
mystification, qui ressemble ici à un mensonge délibéré et malhonnête. En
parlant de la gauche, Valls s'approprie
frauduleusement cette identité (voir ce qui précède), il oublie ou fait
semblant d'oublier qu'il y a en France une autre gauche, celle du Front de
gauche.
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