Bande-annonce : Deux jours, une nuit, des... par Telerama_BA
Le film des frères Dardenne échappe au piège de son intrigue pour proposer une belle parabole sociale et politique, dans laquelle son héroïne, en voulant sauver sa peau, réveille une conscience collective que tout concourait à faire disparaître.
Depuis La Promesse (1996), Jean-Pierre et Luc Dardenne
conçoivent et préparent leurs films selon la même méthode, les réalisent avec
la même équipe technique, au sein d’un territoire unique (Seraing et ses
alentours, en Belgique). Nulle impression de répétition cependant, mais plutôt
la certitude que les frères cinéastes creusent un seul sillon, approfondi à
chaque film, tant leur matière est riche.
Déterminismes et choix moraux
La psychologie des personnages, toujours ancrés socialement,
très souvent à la frontière du prolétariat et du sous-prolétariat, n’est jamais
livrée par des ruses et facilités scénaristiques, mais elle affleure dans leurs
mots et leurs silences, dans leurs corps en mouvement, corps évoluant et
parfois butant dans un décor quotidien et banal. Le déterminisme social est là,
massif, injuste, mais les personnages sont toujours confrontés à des choix
moraux qui repoussent un peu l’idée de fatalité sociale et familiale - et ces
choix esquissent des libérations éventuelles.
Cette démarche semble par certains aspects bourdieusienne :
à la somme des déterminismes, indubitables, dont il faut être conscient, on
peut ajouter ces propres choix qui seront d’autant plus pertinents si l’on en
connaît le caractère relatif. Les frères Dardenne citent d’ailleurs comme
origine de leur dernier film Deux jours, une nuit ce que des salariés ont subi
et leur ont confié, et un texte de Michel Pialoux, Le désarroi d’un délégué,
publié en 1995 dans La Misère du monde (dirigé par Pierre Bourdieu). Dans ce
(beau) texte, le sociologue évoque l’amertume et la colère d’un délégué CGT de
Sochaux, nommé Hamid, devant l’attitude de ses collègues qui ont pétitionné
pour se débarrasser d’un vieux salarié, incapable de suivre le rythme de la
production. Absence totale de solidarité de classe, certainement provoquée,
entre autres, tant par les nouveaux modes de production et de gestions
"managériales" que par la hantise du chômage.
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