samedi 14 juin 2014

« Le socialisme jaurésien puisait au meilleur du mouvement ouvrier »

Historien spécialiste de Jaurès, du mouvement ouvrier et du mouvement socialiste, Alain Boscus analyse les liens féconds qui ont uni le leader socialiste aux syndicalistes révolutionnaires. Il interviendra sur cette question le 17 juin prochain lors de l'initiative proposée par l'Institut CGT d'histoire sociale et « l'Humanité » à Montreuil (1).
Si les liens de Jean Jaurès avec le mouvement ouvrier sont bien antérieurs, les premières années du XXe siècle marquent un tournant dans son engagement en faveur du syndicalisme ouvrier et du socialisme. Quels sont les événements politiques et sociaux qui conduisent à cette évolution ?
Alain Boscus : La pensée et l'action de Jaurès n'ont rien d'un bloc monolithique qui, sur trente ans, n'aurait pas bougé. Sur des questions décisives comme la guerre, le rapport à l'Etat, les alliances politiques ou encore la question ouvrière, son analyse et ses positions évoluent. Lorsqu'il entre en socialisme comme leader militant à partir de son élection à Carmaux en janvier 1893, à l'issue de la grève à but politique des mineurs de ce bassin, il comprend toute l'importance des liens entre question sociale, pouvoir économique et conservatisme républicain. Sa conviction est faite : la question sociale ne se réglera que par la propriété sociale et l'intervention des classes populaires.
Or, lorsqu'il entre en socialisme, le mouvement ouvrier n'est pas celui de 1906. Le syndicalisme est un magma de regroupements partiellement fédérés. Le syndicalisme révolutionnaire en tant que tel n'existe pas. Il s’autonomise et se structure véritablement autour de 1900, après une période de tâtonnements marquée, entre autres, par la multiplication des groupes de base et le développement de leur force, puis par la lutte des verriers de Carmaux et la constitution de la Verrerie ouvrière d’Albi. Le mouvement ouvrier s'organise fortement ensuite. La fédération des Bourses a rejoint la CGT en 1902 et celle-ci adopte en 1906 la fameuse Charte d'Amiens qui affirme l'autonomie du mouvement ouvrier et syndical, mais aussi la volonté d'être créatif dans le cadre de la transformation sociale, à côté des groupements existants, socialistes, anarchistes, coopératifs ou autres.
On observe justement dans la vie politique de Jaurès et du socialisme un « tournant global », aux alentours de 1905-1906 ; la vie politique elle-même a été auparavant secouée de scansions particulières auxquelles Jaurès a été directement mêlé. Lors du très grave épisode politique de l'affaire Dreyfus qui a divisé les socialistes, il fut un des principaux dreyfusards, permettant à une partie du mouvement ouvrier de s'inscrire dans cette dynamique et favorisant ainsi la sauvegarde de la République. Cette période marque aussi un tournant politique avec l'arrivée de la gauche au pouvoir. Non pas la gauche socialiste, mais la gauche radicale qui possède alors un programme de gauche.

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