Un Parti socialiste en crise et un Front de gauche qui
n’atteint pas ses objectifs. Une UMP au bord de l’implosion et un FN qui
remporte plus de 24% des suffrages aux dernières élections européennes. La
semaine écoulée aura marqué la vie politique française. « Nous sommes
effectivement dans un moment clé pour la gauche qui est fidèle à ses valeurs
fondatrices » relève l’historien Roger Martelli pour qui il y a urgence à «
inventer sur le terrain de l’initiative politique ».
La Marseillaise. Une semaine après le scrutin européen, quel
regard portez-vous sur ces élections qui ont vu en France le FN arriver en tête
?
Roger Martelli. Le résultat a constitué un choc, mais n’est
pas une surprise. Les élections municipales avaient donné un signal d’alarme.
Il n’a pas été entendu par le pouvoir socialiste qui a décidé de poursuivre sa
voie sociale-libérale. Or elle ne peut produire que du mécontentement, qui
prend davantage la forme du ressentiment que celle de la combativité. Les
électeurs se sentent floués, les catégories populaires méprisées. De fait, cela
nourrit une amertume qui, l’histoire l’a toujours montré, favorise l’abstention
d’un côté et les tentations des solutions courtes de la droite extrême de
l’autre. Voilà pourquoi la gauche française a enregistré son plus mauvais
résultat depuis que le parlement européen est élu au suffrage universel direct,
c’est à dire depuis 1979. Cela ne peut qu’interroger.
La Marseillaise. Interroger… Mais dans quel sens ?
Roger Martelli. Le recul des partis de gouvernement dit
d’abord l’ampleur du discrédit du monde politique institutionnel. Gauche et
droite donnent l’impression d’un système autiste, sourd aux angoisses et aux
attentes du pays. Pour la gauche, ajoutons que sa panne électorale apporte une
confirmation : elle est désarçonnée par le choix social libéral du PS. La
gauche est structurée historiquement autour des valeurs d’égalité et de
démocratie, et ce choix l’en éloigne. De ce fait, elle écarte ceux qui, en bas,
se sentent abandonnés par elle. A cela s’ajoute, une troisième remarque : le
discrédit des équipes au pouvoir ne profite pas en France à la gauche de la
gauche. Avec 6,4%, le Front de gauche récupère tout juste son résultat de la
première élection à laquelle il avait concouru en 2009. Même en se démarquant
du PS, la gauche dite radicale n’a pas obtenu en France la poussée qu’elle a
réalisée dans d’autres pays, comme la Grèce ou le Portugal.
La Marseillaise. Vous évoquez le discrédit de la gauche et
de la droite de pouvoir au moment même où la classe politique traverse une
crise importante. Quelle est la portée de cette crise selon vous ?
Roger Martelli. Pour la mesurer, pas besoin de découvrir la
lune. La racine de la crise politique s’installe au début des années 80, au
moment où le PS de Mitterrand aborde le tournant de la rigueur.
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