Par Sophie Chapelle
Les catastrophes naturelles et pollutions industrielles ne
frappent pas de la même manière toutes les populations. Au contraire. « Si vous
voulez savoir où un stock de déchets a le plus de chances d’être enfoui,
demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres
minorités raciales », interpelle le sociologue Razmig Keucheyan dans son dernier
ouvrage La nature est un champ de bataille. Saturnisme, mal-logement, précarité
énergétique… Autant de facettes d’un « racisme environnemental » qu’il propose
de combattre. En s’attaquant aux racines du capitalisme.
Basta ! : Votre ouvrage, La nature est un champ de bataille,
bat en brèche l’idée que l’humanité subit uniformément les conséquences de la
crise écologique. Qu’entendez-vous par « inégalités environnementales » ?
Razmig Keucheyan [1] : Les inégalités sont classiquement
associées à trois dimensions : les inégalités de classes, de genres (inégalités
entre hommes et femmes) et ethno-raciales. Je propose d’en ajouter une
quatrième, la dimension environnementale. On ne subit pas les effets de la
crise environnementale de la même manière, selon la classe sociale, le genre ou
la minorité ethno-raciale à laquelle on appartient. Or le discours écologique
dominant décrit souvent la question écologique comme étant vécue uniformément
par la population mondiale. La notion d’« inégalités écologiques » permet de
montrer que les différentes catégories de population ne sont pas égales face au
changement climatique par exemple.
Une des facettes de ces inégalités, c’est le « racisme
environnemental »...
Exactement. Le concept de « racisme environnemental » est né
aux États-Unis au début des années 80 dans le cadre du mouvement pour la
justice environnementale, qui est une bifurcation tardive du mouvement des
droits civiques (pour l’égalité des droits entre Noirs et Blancs, ndlr). Les
animateurs de ce mouvement s’aperçoivent que les entreprises privées et l’État
ont tendance à stocker les déchets toxiques à proximité de quartiers noirs. Et
à protéger les catégories sociales les plus favorisées, les blancs en
particulier, des nuisances environnementales. Le concept de racisme
environnemental permet de penser ensemble discriminations racistes et questions
environnementales.
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