Dans son bloc-notes, Jean-Emmanuel
Ducoin tacle ceux qui traitent le foot avec mépris
et les incite à s'interroger : "si les
intellectuels supposés se posaient enfin la bonne
question : 'pourquoi le Capital moderne dénature méthodiquement les fondements non
seulement populaires mais humains du sport ?' "
Naïveté. D’après Héraclite, il paraît qu’« on ne se baigne
jamais deux fois dans le même fleuve ». À chaque grande compétition sportive,
pourtant, le bloc-noteur éprouve un sentiment de répétition et les souvenirs
s’enchevêtrent à la mesure des quiproquos. « Mais comment diantre peux-tu aimer
le football et regarder les matchs de la Coupe du monde avec autant
d’assiduité ? » Ici même, à la rédaction de l’Humanité, l’effort de traitement
dans nos colonnes et la place que nous accordons à l’événement au Brésil
suscitent doutes, interrogations, controverses, le tout mêlé quelquefois d’une
joyeuse indifférence. L’incertitude des compétitions, fussent-elles les plus
populaires qu’on puisse imaginer, ne provoque plus le même intérêt. Quant aux
méfaits du libéralisme sur la geste sportive, ils ont tellement perverti
l’ambition éthique et collective que, en effet, ils ont progressivement ruiné
toute défense du professionnalisme poussé jusqu’à l’absurde. Oui, le
capitalisme moderne est désormais capable de corrompre de fond en comble
n’importe quelle activité humaine dès lors qu’il s’en empare et lui impose sa
logique. Croire que le football y échappe procède de la naïveté. Croire que
tout est perdu relèverait, toutefois, du sentiment d’abandon, même si, depuis
une génération, les événements nous ont confirmé l’ampleur des dérives
financières et des scandales. Au train où vont les choses, la Fifa deviendra
bientôt, pour les pays du football, ce que le FMI ou la troïka sont pour les
pays démonétisés. Un bras armé des diktats du libre-échange et de la dictature
du fric pour le fric !
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