lundi 23 juin 2014

Dénaturation(s)

Dans son bloc-notes, Jean-Emmanuel Ducoin tacle ceux qui traitent le foot avec mépris et les incite à s'interroger : "si les intellectuels supposés se posaient enfin la bonne question : 'pourquoi le Capital moderne dénature méthodiquement les fondements non seulement populaires mais humains du sport ?' "

Naïveté. D’après Héraclite, il paraît qu’« on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». À chaque grande compétition sportive, pourtant, le bloc-noteur éprouve un sentiment de répétition et les souvenirs s’enchevêtrent à la mesure des quiproquos. « Mais comment diantre peux-tu aimer le football et regarder les matchs de la Coupe du monde avec autant d’assiduité ? » Ici même, à la rédaction de l’Humanité, l’effort de traitement dans nos colonnes et la place que nous accordons à l’événement au Brésil suscitent doutes, interrogations, controverses, le tout mêlé quelquefois d’une joyeuse indifférence. L’incertitude des compétitions, fussent-elles les plus populaires qu’on puisse imaginer, ne provoque plus le même intérêt. Quant aux méfaits du libéralisme sur la geste sportive, ils ont tellement perverti l’ambition éthique et collective que, en effet, ils ont progressivement ruiné toute défense du professionnalisme poussé jusqu’à l’absurde. Oui, le capitalisme moderne est désormais capable de corrompre de fond en comble n’importe quelle activité humaine dès lors qu’il s’en empare et lui impose sa logique. Croire que le football y échappe procède de la naïveté. Croire que tout est perdu relèverait, toutefois, du sentiment d’abandon, même si, depuis une génération, les événements nous ont confirmé l’ampleur des dérives financières et des scandales. Au train où vont les choses, la Fifa deviendra bientôt, pour les pays du football, ce que le FMI ou la troïka sont pour les pays démonétisés. Un bras armé des diktats du libre-échange et de la dictature du fric pour le fric !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire