Par Alain Badiou
Que se passe-t-il, en temps de crise économique, du côté de ceux
qui en subissent de plein fouet les conséquences : le monde ouvrier et
plus généralement celui des salariés en bas de l'échelle ?
Fondamentalement, il se passe qu'il devient impossible d'assurer, à leur
avantage relatif, la continuation d'une politique «sociale».
Non seulement de vives pressions s'exercent afin que les salaires réels
stagnent ou diminuent ; non seulement s'installe un chômage de masse,
mais on assiste au démantèlement progressif des protections sociales.
Tout cela peut se résumer en une phrase : il n'y a pas la moindre marge de manœuvre pour rallier les ouvriers et les employés au système économico-politique existant par l'attraction d'une politique sociale, d'une politique «de gauche». La possibilité d'une redistribution d'une petite partie des profits du capital aux salariés - certes toujours parcimonieuse, mais dans certaines circonstances suffisante pour que les peuples des grands pays développés acceptent le consensus autour du capitalisme impérial rénové - se trouve, en temps de crise, pratiquement réduite à néant.
Alors, faute de ce que Pasolini appelle «l'humble corruption», qui est la résignation au pouvoir existant achetée par une maigre redistribution «sociale», les ouvriers et salariés du bas de l'échelle, ce qu'on peut appeler les larges masses populaires, ne peuvent plus être ralliés que par des idées. C'est là sans doute l'effet le plus singulier des crises : elles exigent l'idée politique comme substitut à l'humble corruption. Or, des idées, dans ce domaine, et dès lors que l'idée «démocratique» ordinaire est hors jeu, il n'y en a en définitive que deux : l'idée identitaire et l'idée égalitaire.
Tout cela peut se résumer en une phrase : il n'y a pas la moindre marge de manœuvre pour rallier les ouvriers et les employés au système économico-politique existant par l'attraction d'une politique sociale, d'une politique «de gauche». La possibilité d'une redistribution d'une petite partie des profits du capital aux salariés - certes toujours parcimonieuse, mais dans certaines circonstances suffisante pour que les peuples des grands pays développés acceptent le consensus autour du capitalisme impérial rénové - se trouve, en temps de crise, pratiquement réduite à néant.
Alors, faute de ce que Pasolini appelle «l'humble corruption», qui est la résignation au pouvoir existant achetée par une maigre redistribution «sociale», les ouvriers et salariés du bas de l'échelle, ce qu'on peut appeler les larges masses populaires, ne peuvent plus être ralliés que par des idées. C'est là sans doute l'effet le plus singulier des crises : elles exigent l'idée politique comme substitut à l'humble corruption. Or, des idées, dans ce domaine, et dès lors que l'idée «démocratique» ordinaire est hors jeu, il n'y en a en définitive que deux : l'idée identitaire et l'idée égalitaire.
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