jeudi 7 mars 2013

Réforme des retraites : de dangereuses pistes

Jean-Marc Ayrault, Ségolène Royal, Harlem Désir, Martine Aubry et Benoît Hamonà la manifestation parisienne contre la réforme des retraites, 19 octobre 2010.


Dans une feuille de route donnée à un groupe d’experts 
pour préparer 
une réforme, 
le gouvernement évoque un nouvel allongement 
de la durée 
de cotisation 
et une action 
sur le niveau 
des pensions.
La réforme des retraites s’invite plus tôt que prévu dans l’actualité. À peine le projet de loi sur le marché du travail vient-il d’être adopté en Conseil des ministres que la question de l’allongement de la durée de cotisation vient se superposer à un ensemble de mesures que le gouvernement tente d’imposer à marche forcée. Hier matin, sur France Inter, après avoir défendu méthodiquement le très décrié accord national interprofessionnel sur l’emploi, le ministre du Travail, Michel Sapin, annonçait dans la foulée que l’allongement de la durée de cotisation était « évidemment sur la table » pour les prochaines négociations sur la réforme des retraites. Cette « évidence » acte la possibilité que l’allongement de l’activité professionnelle soit instauré progressivement, au-delà du passage aux 42 annuités d’ici 2020 prévu par les précédents réformes de droite.
Le gouvernement présentait avant-hier son « cahier des charges » aux partenaires sociaux. Cette feuille de route précise trois « leviers susceptibles de consolider notre système de retraite par répartition » : durée de cotisation, niveau des prélèvements et montant des retraites. Cela dans le but affiché d’inscrire le système « dans une trajectoire durablement équilibrée à l’horizon 2040 ».
Un déficit 21 milliards d’euros en 2020
Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), le déficit, tous régimes confondus, pourrait dépasser 21 milliards d’euros en 2020. D’ici la fin juin, un groupe de dix experts présidé par Yannick Moreau sera chargé de formuler des propositions pour entériner une révision globale du système. Dans un document liminaire, le ton est donné : « Il est légitime qu’un accroissement de l’espérance de vie se traduise par un allongement de la durée d’activité. » Un principe institué par la réforme Fillon de 2003. Plusieurs voix, au sein du PS, se sont exprimées en ce sens ces derniers jours. Jean-Marie Le Guen, député socialiste parisien, proposait en début de semaine d’accélérer le report de l’âge légal à 62 ans, imposé par la droite en 2010, en le fixant à 2015, au lieu de 2017. Avant lui, Henri Emmanuelli, député des Landes, estimait que la question d’une augmentation de la durée de cotisation n’était pas taboue.
Autre levier d’action envisagé officiellement : le niveau des retraites. Sur ce point, comme sur les autres, le gouvernement se défend d’avoir déjà arrêté ses choix. Mais la tentation est forte de soumettre les retraités à l’austérité. À ce sujet, tous les regards se tournent vers les négociations patronat-syndicats sur les régimes complémentaires Agirc-Arrco. Ici, le Medef réclame une désindexation des pensions par rapport à l’inflation, qui ferait perdre, en cinq ans, 5 points de pouvoir d’achat. Avec un argument que l’on retrouve dans le « cahier des charges » du gouvernement pour la réforme du régime général: «Notre système de retraite permet aujourd’hui de garantir un niveau de vie moyen des retraités proche de celui des actifs et légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population. » Or cette comparaison est fortement sujette à caution, comme le relève le responsable CGT Éric Aubin, dans la mesure où les chiffres, s’agissant des retraités, prennent en compte le patrimoine, et qu’en cette matière les inégalités sont énormes.
Le train de mesures d’austérité déjà prises
Pourtant, si le Medef parvenait à ses fins dans le cadre des complémentaires, le gouvernement pourrait s’appuyer sur ce mauvais exemple pour l’appliquer à la retraite de base. C’est ce que faisait valoir, le 15 janvier dans un entretien aux Échos, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac : « Un accord de ce type des partenaires sociaux sur les retraites complémentaires serait un élément d’appréciation important. On ne pourra pas ne pas en tenir compte. » Hier, plus prudent, Michel Sapin récusait tout « parallélisme » avec les pourparlers sur les complémentaires. S’ajoutant au train de mesures d’austérité déjà prises (gel des rémunérations des fonctionnaires en 2013, hausse de la TVA, etc.), un gel des pensions de quelque 15 millions de retraités risquerait d’aggraver la crise économique, en pesant sur la consommation.
Le Parti socialiste s’était fortement opposé à la réforme sarkozyste de 2010 qui a reculé l’âge légal à 62 ans. Mais François Hollande ne l’a pas remise en question. Pendant la campagne électorale, il n’a pas pris d’engagements précis, hormis « une négociation globale avec les partenaires sociaux ». Le gouvernement a toutefois rétabli l’an dernier le droit au départ à 60 ans pour les assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans. La feuille de route donnée aux experts prévoit enfin qu’ils fassent des propositions pour « rendre le système plus juste », notamment en prenant en compte la pénibilité du travail, et pour « opérer une convergence entre les régimes, afin de garantir un socle commun de droits ».
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