L'agence Standard & Poor's s'apprête à dégrader la note
souveraine de la France et de plusieurs pays de la zone euro ce vendredi
soir. Selon une source gouvernementale européenne l'Allemagne va
conserver son "AAA", mais la "France perd son triple A".
Standard & Poor's (S&P) ne toucherait en revanche pas au
triple A de l'Allemagne, des Pays-Bas et de Luxembourg. La Belgique
serait aussi épargnée par cette dégradation collective. Ce pays est
actuellement noté "AA", soit deux crans en-dessous du meilleur niveau.
Décryptage de Pierre Ivorra, spécialiste de l'économie à l'Humanité.
Standard and Poor's avait déjà annoncé lors du sommet européen du 8
et 9 décembre dernier qu'elle évaluerait les effets des mesures prises à
ce moment-là pour revoir ou non la note de la France. La décision
d'aujourd'hui ne veut pas dire que ces mesures sont insuffisantes, mais
que leurs effets ne sont peut-être pas assez immédiats. A cela plusieurs
raisons :
La zone euro s'enfonce un peu plus dans la récession. En
Espagne, le déficit public se dégrade avec les mesures d'austérité qui
contractent la dépense publique et instaure un peu plus la crise. Idem
en Grèce. Même des pays comme la Finlande sont touchés. L'Allemagne
n'est pas non plus dans une situation brillante. Par ailleurs, les
politiques de récession prônées par le duo Sarkozy-Merkel engendrent du
chômage. Les dépenses sociales vont s'accroître. Dans le même temps, la
crise implique moins de rentrées fiscales, donc moins de cotisations. La
dette publique augmente donc. Enfin, malgré la baisse de son taux
directeur et l'injection massive de liquidités dans les banques,
celles-ci ne jouent pas le jeu et ne financent ni la dette publique, ni
l'économie réelle. Les conditions de crédit se resserrent,
particulièrement pour les PME.
Il est probable que la charge de la dette va s'alourdir, que les taux
d'intérêt vont s'accroître et que le différentiel entre les taux
d'emprunts de l'Allemagne et ceux de la France vont augmenter. Ces
répercussions techniques vont produire des effets en cascade pour
l'économie réelle. En première ligne se trouvent les banques. Celles-ci
ont déjà annoncé qu'elles n'avaient pas vocation à acheter de la dette
publique, donc à soutenir les Etats, comme le PDG de la Société Générale
ce vendredi matin. Les compagnies d'assurance sont en deuxième ligne.
Celles-ci contrôlent une bonne part de la dette française via leurs
contrats d'assurance vie. Mais les Français se détournent de ces
produits et préfèrent des produits d'épargne comme le Livret A. La
France va avoir plus de mal à financer sa dette sur les marchés. Va-t-on
vers un nouveau plan de rigueur pour contracter la dépense publique? Le
cercle vicieux s'accélère.
Doit-on rester sous la coupe des marchés, laisser notre sécurité
sociale, nos emplois, nos salaires sous la contrainte du jugement des
marchés? La question se pose un peu plus chaque jour. La dégradation de
la note française est un coup porté contre la politique du gouvernement.
La droite porte une énorme responsabilité dans la situation actuelle
car elle a placé le financement de la dette publique sous la coupe des
marchés financiers et de fonds étrangers.
La solution passe par un changement de politique du crédit, avec la
création d'un pôle public du crédit comme le propose la Front de gauche.
Elle passe aussi par un changement d'orientation de la Banque centrale
européenne (BCE). Celle-ci finance les banques. Pourquoi privilégier le
sort des banques plutôt que celui des Etats? Il vaudrait mieux qu'elle
finance directement un fonds de développement social et écologique,
comme le propose encore le Front de gauche, afin de soutenir l'emploi
dans le domaine public ou l'industrie.
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