Regards.fr : Dans son programme pour la présidentielle et les législatives, le Front de gauche propose d’augmenter le Smic à 1 700 euros par mois, afin d’enrayer les inégalités dans la répartition des richesses. Comment ça marche ? Est-ce pertinent ?
Jacques Rigaudiat : Le Smic n’est pas un salaire mensuel, c’est un taux horaire. Augmenter le Smic à 1 700 euros brut dès le début de la législature me paraît difficile dans la mesure où cela représenterait une augmentation de 25 %. Pour ma part, je propose, dans un premier temps, un passage du taux horaire de 9 à 10 euros, ce qui représente une augmentation de 10 %, et relève le Smic à 1 500 euros en mensuel. Cette augmentation se poursuivrait tous les ans pour enfin aboutir, fin 2017, au Smic à 1 700 euros net. Réalisée en juillet, cette hausse de 10 % correspondrait à 10 milliards d’euros en 2012, et à un point de PIB par an par la suite. Évidemment, cette proposition n’est pas isolée. Elle est assortie d’autres mesures en matière de revenu comme, la réduction des différences entre les salaires – l’écart entre le plus bas et le plus haut revenu dans une entreprise ne pourra pas dépasser 1 à 20. Le Smic à 1 700 euros est une proposition importante pour relancer la croissance qui, si l’on en croit les dernières prévisions, s’annonce plus que très faible pour 2012. C’est une mesure à la fois symbolique et nécessaire.
Thomas Piketty : Le Front de gauche a raison de s’inquiéter de l’accroissement des inégalités. Il a aussi parfaitement raison de s’occuper de l’évolution du Smic qui, non seulement ne doit pas décrocher mais doit progresser au moins aussi vite que la moyenne des salaires. La question est de savoir de combien il faut l’augmenter ? Et à quel rythme ? On ne peut pas faire reposer tout le poids de la justice sociale sur les employeurs de Smicards qui sont le plus souvent de petites entreprises. S’il s’agit de pousser le Smic à 1 700 euros brut d’ici 2017, autant dire que cette augmentation se fera mécaniquement de toute façon, et qu’au mieux il s’agirait alors d’un coup de pouce modéré et réaliste ! En revanche, si la proposition est de monter immédiatement le Smic à 1 700 euros net, on est sur une progression de 40 voire 50 %. Cette mesure n’irait pas dans le sens de la justice sociale et ce serait un mauvais coup porté aux salariés les plus modestes qui, soit perdraient leur emploi, soit n’auraient plus accès aux emplois qu’ils souhaitent, parce que les entreprises embaucheront moins. C’est une mauvaise idée. Il n’y a pas de Smicards dans les salles de marché et les étatsmajors du CAC 40.
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