mercredi 4 septembre 2024

Avec le début des vendanges, le PCF défend de vrais droits et protections pour les saisonniers agricoles

La concentration des exploitations agricoles se traduit par une réduction du nombre d'exploitants agricoles (-1,3% par an depuis 2010 d’après Agreste) tandis que le recours à la main d’œuvre salariée progresse. Cette salarisation croissante de l’agriculture s’accompagne d’une précarisation de l’emploi. Le recours à la main d’œuvre temporaire se développe, tandis que le nombre d’heures travaillées par les salariés permanents recule. En parallèle, le recours à l’externalisation augmente, via les prestations réalisées par des entreprises de travaux agricoles, des groupements d'employeurs, et des sociétés prestataires et entreprises européennes de travail temporaire fournissant de la main d’œuvre agricole et faisant appel de plus en plus souvent à des travailleurs détachés.

Tel est le résultat du développement du capitalisme agraire, conduisant progressivement à la disparition d’exploitations agricoles familiales, où capital et travail reposent entre les mains du même agent économique. Défenseurs de longue date du maintien d’un dense maillage de petites et moyennes exploitations agricoles familiales, les communistes ne s’accommodent pas d’une telle mutation de la structure de l’emploi agricole, où le recours à la main d’œuvre salariée progresse. D'autant plus si ces emplois salariés se caractérisent par une précarisation accrue, notamment ceux des travailleurs saisonniers.

Les saisonniers agricoles, ces invisibles smicardisés et précarisés

Qu’il s’agisse d’opérations telles que les vendanges ou la récolte de fruits et de légumes, les saisonniers agricoles sont souvent embauchés pour faire face à des pointes de travail peu ou pas mécanisées, qui nécessitent un surcroît de main d’œuvre. Ce vivier de main d’œuvre précarisée et bon marché a été favorisé par les politiques libérales de ces dernières décennies. Sous fond de mise en concurrence européenne et internationale des agriculteurs, la compétitivité des exploitations françaises passerait par une baisse du « coût du travail », à l’image du dispositif TO/DE (Travailleur Occasionnel/Demandeur d'Emploi) exonérant les faibles salaires de cotisations patronales.

Dans bien des productions, ces travailleurs sont indispensables à la création de valeur ajoutée agricole. Pourtant, leur rémunération n’est pas à la hauteur puisque le SMIC fait office de norme salariale. En dehors des mois travaillés, le revenu de ces travailleurs précaires provient d’indemnités chômage (du moins quand la durée du contrat leur permet d'en bénéficier), conquis social faisant l’objet d’atteintes régulières à l’image du projet de réforme de l’assurance chômage voulu par le Gouvernement. Celle-ci se traduirait par une augmentation de la durée d’emploi donnant lieu à indemnisation (8 mois travaillés sur une période de 20 mois contre 6 mois sur deux ans actuellement), qui léserait fortement les travailleurs saisonniers.

Dans la plupart des cas, les conditions de vie et de travail des saisonniers agricoles sont en infraction aux dispositions de leur contrat (selon un rapport parlementaire de 2015, sur 8 000 contrôles d'exploitations, aucun dossier n’était en conformité avec le code du travail), réalité illustrée par les témoignages de saisonniers recueillis lors du colloque organisé par la CGT à l'Assemblée Nationale le 8 décembre 2022 sous la présidence d'André Chassaigne. Ont notamment été évoquées des semaines à rallonge mais aussi l’absence d’accès à un coin repas, à des sanitaires et même à l’eau potable, d’autant plus que les conditions climatiques peuvent être extrêmes. Ces facteurs peuvent être source d'accidents parfois mortels, à l’image de quatre vendangeurs champenois ayant succombé à un malaise cardiaque en 2023. Et pourtant, ces faits n’émeuvent guère certains employeurs, comme Terra Fecundis. Cette entreprise espagnole de travail intérimaire, recrutant des travailleurs latino-américains pour des exploitations situées dans le sud de la France, a été récemment condamnée aux prud'hommes pour des pratiques s’assimilant à de l’esclavage moderne. Face à ces conduites inadmissibles et drames humains, que dire de la posture du Gouvernement, qui, par décret, vient d’autoriser la suspension du repos hebdomadaire des salariés agricoles au moins une fois par période de 30 jours pour la récolte manuelle de productions sous appellation d’origine protégée (AOP) ou indication géographique protégée (IGP) ?

Face aux abus, les communistes demandent des mesures et des moyens conséquents

Malgré ses limites, la dernière réforme de la Politique agricole commune a le mérite de conditionner les aides au respect des règles minimales établies dans l’Union Européenne en matière de conditions de travail, de sécurité et de santé des travailleurs, d’utilisation d’équipements de travail. Toutefois, cette avancée ne suffit pas en soi.

Toute ambition de progrès social à destination des saisonniers agricoles demande de sortir de l’opacité et de connaître le nombre de travailleurs concernés. En ce sens, le préambule de la proposition de loi d'André Chassaigne et des députés communistes et apparentés « visant à garantir aux travailleurs saisonniers agricoles des conditions de travail et d'accueil dignes », déposée en décembre 2023, demande expressément au gouvernement un état des lieux complet et précis de la situation des saisonniers agricoles et du travail saisonnier agricole dans notre pays. Parmi les 10 mesures que contient le texte, un article demande que soit renforcée la responsabilité des donneurs d'ordre en agriculture via des sessions de formation relatives au droit du travail, au respect particulier des droits des saisonniers et à la prévention du mal-être au travail. De même, les saisonniers détachés doivent recevoir le récapitulatif de leurs droits rédigé dans leur langue.

Pour le Parti communiste français, la défense des droits des travailleurs saisonniers passe par un renforcement des contrôles du respect du droit du travail, nécessitant l’embauche de nouveaux inspecteurs du travail et contrôleurs de la Mutualité sociale agricole (MSA), en lien étroit avec les organisations syndicales. Les moyens alloués aux services de prévention et de suivi des risques professionnels de la MSA doivent également être pérennisés et augmentés. Les saisonniers devraient également recevoir une information collective sur les risques avant de prendre leur poste, dans un contexte où la médecine du travail a largement été allégée pour les salariés permanents suite à la loi Travail (El Khomry) de 2017. Cela va de pair avec la mise en œuvre d’une réglementation spécifique pour les saisonniers, afin de les protéger des abus en matière de durée de travail, de rémunération, de prise en compte des heures supplémentaires ou encore d'atteinte à la dignité et à la santé.

Enfin, tout saisonnier devrait bénéficier de la revalorisation des salaires demandée par le Parti communiste français, portant le SMIC à 2 000 euros brut, ainsi que des primes d'ancienneté et de précarité dont peuvent bénéficier les autres travailleurs. A cela devrait se rajouter la garantie d’un droit à la formation continue afin d’accéder à une qualification ouvrant le champ des possibles d’une sortie de la précarité.

En plus, de ces améliorations concrètes du sort des travailleurs saisonniers, les communistes réitèrent leur ambition de transformer notre agriculture sur la base de pratiques agroécologiques, basées sur une moindre dépendance aux intrants et agroéquipements. De tels changements, adossés à la mise en œuvre de filets de sécurité publics (intervention publique sur la formation des prix ou régime public d’assurance et de gestion des risques agricoles) nécessiteront d’installer de nouveaux agriculteurs et de nouvelles agricultrices, avec l’ambition de compter 500 000 chefs d’exploitations d’ici 2030.

Parti communiste français

2 septembre 2024

 

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