lundi 23 septembre 2024

Cession de Photowatt à Carbon : l’incertitude persiste


 

Rassemblement devant Photowatt, à Bourgoin-Jallieu, vendredi 20 septembre 2024.

Les salariés de Photowatt se sont rassemblés ce vendredi 20 septembre sur le site, à Bourgoin-Jallieu, en présence de parlementaires de gauche et des élus du CSE. Objectif : dénoncer les manœuvres liées au projet de cession à Carbon par EDF Renouvelables et exiger une perspective économique crédible. Celle-ci passe par une véritable et ambitieuse politique du photovoltaïque en France et en Europe. Reste à se battre pour des moyens financiers et une stratégie à grande échelle.

Des élu·e·s de gauche se sont rendu·e·s ce vendredi 20 septembre à Bourgoin-Jallieu pour rencontrer les élu·e·s CSE de l’entreprise Photowatt et faire le point sur la reprise de l’entreprise par la start-up Carbon. À l’issue de la rencontre, devant la population et les salarié·e·s de Photowatt, Guillaume Gontard (sénateur Ecologiste solidarité et territoire) a dénoncé « la précipitation de la décision de cession annoncée pendant l’été et à une période politique particulière, sans gouvernement ».

Rappelant que depuis 2012, EDF « n’a jamais eu la volonté de développer Photowatt », allant jusqu’à commander ailleurs des panneaux photovoltaïques pour le grand parc de Creys-Malville, Guillaume Gontard a souligné la nécessité de construire une filière photovoltaïque française et européenne et posé la question du rôle et de la place de l’Etat, le grand absent dans cette stratégie à élaborer.

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Le sénateur écologiste de l’Isère Guillaume Gontard était présent.

Le sénateur souhaite que l’Etat soit partie prenante et qu’il apporte des garanties, qu’il agisse sur les priorités d’investissements, y compris si Carbon reprend l’entreprise. L’essentiel étant alors de construire une filière et d’apporter des garanties aux salarié·e·s. Pour cela, les élu·e·s de gauche demandent la mise en place d’un comité de pilotage, associant toutes les parties prenantes, par le préfet de l’Isère.

Besoin de planification et de garanties sociales et financières

Pour Elisa Martin, députée LFI, « la France doit et peut se doter d’une vraie stratégie de planification en matière écologique. Avec Photowatt, on a un des éléments d’une possible planification écologique. Et c’est au gouvernement de dire ce qu’il en est et d’apporter les garanties pour dire dans quelle mesure, l’entreprise Photowatt peut participer de cette stratégie de planification. C’est ce qu’on attend du gouvernement », ajoute-t-elle.
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L’intersyndicale de Photowatt, à Bourgoin-Jallieu.

Eric Hours, conseiller régional communiste, insiste sur le fait que la start-up Carbon n’apporte aucune garantie financière et que sa levée de fonds est pour l’instant fictive. Il rappelle que lors de la rencontre du 19 septembre avec Carbon, les salariés de Photowatt n’ont obtenu aucune garantie financière, y compris sur le développement industriel.

Pour l’élu PCF, l’objectif de Carbon de conquérir 50 % du marché photovoltaïque des particuliers n’est donc pas réaliste quand on assiste aux fermetures de grandes entreprises allemandes face à la concurrence chinoise. « Aucune garantie sociale non plus pour les 170 salarié·e·s de Photowatt, qui pourraient se retrouver à la porte, et leurs familles avec, d’ici trois ans, si le projet de reprise échoue », constate Eric Hours.

Le plan de Carbon n’est pas crédible

Barbara Bazer-Bachi et Yannick Delorme, ingénieur·e·s chez Photowatt et délégué·e·s CGC, ont, pour l’intersyndicale, relayé les inquiétudes des salarié·e·s. Pour ce dernier, « si on regarde le fond du dossier, on a un projet industriel qui est flou. Carbon est incapable de nous dire si l’activité actuelle et la découpe de wafers de silicium seront maintenues ». Par ailleurs, poursuit-il, « la stratégie financière et commerciale annoncée est très optimiste alors qu’on sait que le marché du solaire est très aléatoire ». Le projet n’est ainsi « pas crédible », estime-t-il, notamment « cet objectif de conquérir dès la première année 50% du marché français du photovoltaïque ».

Plus grave, observe l’élu au CSE, « le financement de l’opération se fait uniquement avec des financements extérieurs, qui sont toujours en cours. Le plan de financement n’est pas bouclé, donc non garanti. » Yannick Delorme conclut en rappelant que « ce plan de cession présente un accompagnement social clairement sous-dimensionné comparé au risques qu’on vient d‘évoquer ». Barbara Bazer-Bachi revient quant à elle sur les affirmations de Carbon de « pouvoir se passer des mécanismes d’aides de l’Etat et d’atteindre 50 % du marché des particuliers sans ces aides ». Ceci, alors même que la crise du solaire résidentiel en Europe est une réalité économique indéniable.
Le fait que Carbon base son plan industriel en ignorant cette crise, misant sur une croissance alors qu’on va vers une baisse chez les particuliers, n’est en effet pas très rassurant. Ainsi, déclare Barbara Bazer-Bachi, « nous maintenons ce que nous avons déjà dit il y a dix jours, à savoir que sans maintien des mécanismes d’aide de l’Etat, il n’y aura pas de filière photovoltaïque en France et en Europe. Plus généralement, pour nous, le problème n’est pas Carbon, ni même son projet. C’est EDF et l’Etat. Nous considérons qu’EDF Renouvelable a une attitude irresponsable car ils se précipitent dans cette cession alors que rien n’est acquis. »

Pour Yannick Delorme, EDF doit donc « mettre en place des conditions sociales de sécurisation de cette cession pour les salarié·e·s qui soient à la hauteur du groupe international français qu’est EDF. Un groupe qui n’a jamais relevé l’exigence initiale d’acheter 100 % de la production de Photowatt, alors que c’était plutôt 0 % ces dernières années », déplore l’ingénieur.

Financer des filières industrielles

Cédric Thuderoz, secrétaire général de la CGT Energie Isère est intervenu à son tour pour rappeler le soutien du syndicat et son action auprès du groupe EDF, en accord avec les organisations syndicales de Photowatt. Il a également dénoncé l’incertitude du contenu du projet Carbon. D’une part en raison de financements à ce stade hypothétiques, d’autre part car aucune réflexion de fond n’a été tenue sur l’emploi et la réalité du marché.

Pour Cédric Thuderoz, il est hors de question de laisser EDF sous-traiter un plan social. Celui-ci doit en effet assumer sa responsabilité sociale. « EDF est un groupe assez colossal, qui a la capacité de traiter 170 salarié·e·s un peu plus dignement que ce qu’il a fait depuis 2012 », a-t-il affirmé. Plus globalement, le syndicaliste a expliqué que « la CGT porte depuis longtemps un projet pour Photowatt, notamment par rapport à tout l’écosystème industriel disponible en Isère et en Savoie, et aux besoins qu’on peut avoir à l’avenir en photovoltaïque. Il y a effectivement un marché à prendre mais il convient de peser sur les politiques européennes et de jouer un peu de protectionnisme sur le territoire européen », a-t-il ajouté. Actuellement, en effet, « c’est très compliqué pour nombre d’entreprises européennes, et en France particulièrement, de prendre leur place sur le marché des énergies renouvelables ».

Selon le secrétaire de la CGT Energie Isère, la reconquête de la souveraineté énergétique passe par des plans de programmations permettant de créer les moyens de production de demain, dotés de sommes conséquentes pour soutenir les filières industrielles françaises. Cette bataille de la souveraineté est importante, assure Cédric Thuderoz, qui pointe le scandale Alstom et l’obligation pour EDF de racheter deux fois plus cher aux Américains les turbines vendues par le ministre de l’économie Macron en 2014… Sans compter le fait que les Américains gardent les brevets et les loueront à EDF.

Ces divers constats ainsi que la réflexion collective menée autour de Photowatt et de la filière photovoltaïque sont toutefois de bon augure. Cela démontre en effet qu’il y a urgence à conquérir des droits nouveaux pour les salarié·e·s en matière de gestion et de choix de développement de leurs entreprises répondant aux besoins sociaux. De même, les élu·e·s, les populations, les administrations, les entreprises doivent pouvoir décider, au sein de nouvelles institutions décentralisées, de la planification économique et industrielle, en lien avec les besoins des territoires et de leurs habitant·e·s.

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